Ibrahim Boubacar Keïta a prêté serment ce mardi 4 septembre 2018 et rempile pour 5 ans encore au gouvernail de la barque Mali. Depuis les résultats qui ont consacré sa victoire comme chef de l’Etat après le second tour de l’élection présidentielle du 29 juillet 2018, le Mali vit au rythme des marches et contre marches. Crédité de 67,17% des voix contre 32,83% pour Soumaïla Cissé qui est devenu son éternel rival, IBK succède à lui-même. Toute chose qui confirme la règle non écrite qu’au Mali, le président sortant a toujours été réélu. Mais cette fois-ci, en dehors de Aliou Diallo et Cheick Modibo Diarra, deux des 24 candidats malheureux du premier tour, l’opposition dans sa majorité conteste ces chiffres, dénonçant notamment des bourrages d’urnes. Geste qui en son temps aurait eu toute sa noblesse, depuis cette proclamation de chiffres vigoureusement remis en cause par ses contempteurs qui n’ont de cesse d’exiger le recomptage des voix, bureau de vote par bureau de vote, Ibrahim Boubacar Keïta a dit tendre la main à Soumaïla Cissé qui, lui, se réclame comme le président véritablement élu par le peuple malien. Sur la base de chiffres comptabilisés par son état-major et ses observateurs dans les bureaux de vote, Soumi, comme l’appellent ses partisans, est convaincu, tout comme nombre de Maliens qui ne ratent aucune occasion pour l’exprimer, que la victoire lui a été volée. Et comme le champion de l’Union pour la république et la démocratie (URD), des Maliens acquis à sa cause n’en démordent pas et se disent déterminés à aller jusqu’au bout de leur revendication.
Que réserve l’avenir au Mali embarqué dans une contestation post-électorale inédite, si l’on considère que ce n’est pas la première fois que Soumaïla Cissé a perdu la course à la présidentielle, mais ne s’est jamais montré aussi déterminé en matière de revendication de ce fauteuil que réoccupe encore pour 5 ans, l’ancien locataire du palais de Koulouba? Et si Soumaïla Cissé avait raison? La question pourrait bien paraître provocatrice, mais prend toute sa pertinence lorsque l’on recense tous ces incidents, notamment l’assassinat d’un président de bureau de vote et l’attaque d’autres bureaux de vote avec destruction de matériels électoraux, qui ont émaillé le scrutin, mais que les fameux observateurs n’ont pas «jugés de nature à remettre en cause l’élection». C’était prévisible car la machine électorale et les institutions de décision, dans la plupart des pays africains sont à la solde du pouvoir en place. Sauf au Kenya, où, dans un contre-pied inédit mais qui fera difficilement jurisprudence sous les tropiques, la Cour suprême avait annulé pour irrégularités, l’élection de Uhuru Kenyatta, au titre du scrutin présidentiel du 8 août 2017.
Il faudra bien que les Maliens trouvent une solution pour remettre les pendules à l’heure, afin que cette élection contestée ne devienne un souci de plus pour un pays installé, comme certains de ses voisins sahéliens, dans une insécurité chronique, confronté qu’il est aux attaques récurrentes des jihadistes et autres bandits du même acabit. Sinon, Ibrahim Boubacar Keïta, qui mise sans doute sur l’essoufflement des manifestants, pourrait bien vivre un second mandat cauchemardesque avec ce mécontentement d’une bonne partie du peuple. De quel temps disposera-t-il pour gouverner le Mali et le sortir de l’insécurité et de la pauvreté endémique que vivent les populations africaines dont celles maliennes? Ne sera-t-il pas contraint de faire face à des manifestations qui à la longue installeront la chienlit et l’empêcheront de se consacrer pleinement à la gouvernance du Mali? Au détriment des considérations égoïstes, très personnelles et trivialement «tube-digestivistes», il urge donc que pouvoir et opposition trouvent un modus vivendi dans l’intérêt, et le seul intérêt du Mali.
Par Wakat Séra