Il faut sauver la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO)! C’est la mission que s’est assignée le général Yakubu Gowon, 89 ans, le dernier chef d’Etat témoin de la naissance de l’organisation sous-régionale en mai 1975, avec des ambitions nobles de rendre réelle l’intégration des Etats de l’Afrique de l’ouest. «La CEDEAO est plus qu’une coalition d’Etats. Ni ma génération, ni la génération actuelle ou future ne comprendrons ou ne pardonneront l’éclatement de notre communauté», a déclaré, à raison, l’ancien président nigérian (1966-1975).
Dans la foulée de donner une autre chance de vie, ou de survie, à l’organisation ouest-africaine, l’ancien homme d’Etat a préconisé de discuter de l’avenir de l’institution, dans une rencontre prochaine, entre les 15 dirigeants de la CEDEAO, ceux ayant pris le pouvoir démocratiquement et ceux l’ayant arraché par la force, tout en réclamant la levée des sanctions imposées par l’organisation, au Mali, au Burkina Faso, à la Guinée et au Niger, suite à des putschs militaires.
Médecin après la mort ou sauveur providentiel d’une structure qu’envient à l’espace économique ouest-africain, d’autres regroupements sous-régionaux? Seuls la tenue et les lendemains du sommet de la CEDEAO, prévu pour ce 24 février à Abuja, devraient fixer les uns et les autres, et notamment le général nigérian, sur la justesse de l’initiative, l’ancien président appelant au retour du Mali, du Burkina Faso et du Niger, des enfants du même sein, qui ont quitté la maison commune «sans délai». Certes, l’organisation, présidée actuellement par un autre Nigérian, Bola Ahmed Tinubu qui est consciente qu’elle doit être la CEDEAO des peuples et non un syndicat des chefs de l’Etat, devrait essayer de trouver les voies et moyens pour tendre la main aux trois pays qui l’ont quittée, mais elle est, visiblement, une fois de plus en train de rater le coche.
N’était-ce pas mieux que cette déclaration de Yakubu Gowon soit davantage solennelle, lancée depuis le siège d’Abuja, avec tout l’arsenal communicationnel qui sied à ce genre d’annonce? En tout cas, comme le dit si bien l’adage, il vaut mieux tard que jamais, et cette nouvelle démarche de la CEDEAO ne peut que confirmer la volonté des pères fondateurs de la communauté de bâtir l’Afrique sur le socle de l’unité et de l’union.
Il faut le dire de go, toute option pronostiquée de levée des sanctions drastiques contre la junte militaire au Niger et la réintégration des trois pays fondateurs de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), ne peut que susciter des commentaires, souvent excessifs de victoire d’un camp sur l’autre. De même, le retour espéré par Yakubu Gowon et bien des Africains épris de paix et de cohésion sociale, des membres de l’AES au sein de la CEDEAO, est loin d’être acquis. Il peut même rencontrer le refus des partants, car le processus sera de longue haleine et pourrait aboutir, ou non. Mais l’essai aura eu le mérite d’avoir été lancé.
Ce qu’on peut désormais appeler le «plan Gowon» pour une CEDEAO des peuples et de rassemblement, est, indubitablement à tenter, tant est que les dirigeants de l’Afrique de l’ouest reconnaissent que l’union fait la force et que la libre circulation des biens et des personnes dans l’ensemble communautaire fait énormément de bien aux populations. Du reste, les peuples divisés par des frontières arbitraires de la colonisation, n’ont jamais eu besoin de l’aval des politiques pour réaliser leur vivre-ensemble. Des familles entières tiennent rarement compte de ces lignes imaginaires tracées par le colonisateur, pour célébrer les rites ancestraux, ou même demander du sel en face pour faire la cuisine!
Le sommet de ce samedi 24 février, autant que celui de mai 1975, doit être décisif pour l’avenir de la CEDEAO, certes pas encore institution en voie de disparition, mais non loin de l’implosion.
Par Wakat Séra