La Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a organisé, du 26 novembre au 1er décembre 2018, la Semaine de l’inclusion financière dans l’Union économique monétaire ouest africaine (UEMOA), édition 2018, sous le thème «Inclusion financière: levier du développement économique et social». Au cours des activités de cette édition tenues les 26 et 27 novembre 2018 à Dakar, les participants ont souhaité que l’institution bancaire aille vers de nouvelles opportunités, notamment, «la construction d’un écosystème fédéré et efficient qui prend en compte la nécessité d’accroitre la confiance des clients dans l’utilisation des innovations technologiques en matière financière» et «la digitalisation des paiements de l’Etat». Le point des deux jours de travaux tenus au Sénégal, a été fait, le jeudi 29 novembre 2018, face à la presse à Ouagadougou, par le président du Comité national de suivi de la mise en œuvre de la stratégie régionale d’inclusion financière, Kaongo Wilfried Séraphin Kientéga.
Durant les deux jours de travaux de la Semaine de l’inclusion financière dans l’UEMOA, tenus à Dakar, auxquels a pris part M. Kientéga, trois activités phares ont été menées.
Après le lancement des travaux, le 26 novembre 2018, un certain nombre de communications ont été faites et des panels tenus, au cours de la première journée. Selon M. Kientéga il y a eu «principalement quatre sessions». La première était consacrée «à l’état des lieux de l’inclusion financière dans l’UEMOA et les stratégies régionales pour sa promotion». La deuxième session s’est penchée sur «des données d’inclusion financière pour de nouvelles opportunités. (Celle-ci vise à) donner le pouvoir aux autorités de régulation et de supervision du secteur financier». La troisième avait trait «au dispositif de soutien au financement des Petites et moyennes entreprises (PME) dans l’UEMOA». Et la quatrième s’est focalisée sur «la digitalisation des paiements de l’Etat».
A l’issue des échanges sur ces différents points, lors de la première journée, il a été noté qu’«il est important de songer, pour ce qui concerne les PME, à une sorte de responsabilité partagée de tous les acteurs, à savoir l’Etat, les établissements de crédits, les structures d’accompagnement des PME, la Banque centrale et surtout les PME elles-mêmes».
Au cours des travaux, les acteurs des PME ont lancé «un cri de cœur pour que diligence soit faite afin que (leur secteur) puissent participer réellement à la création de richesse dans (les différents) pays» membres.
Il a été souhaité de régler les difficultés auxquelles sont confrontées les PME, notamment, «l’accès limité aux facteurs de production, les énergies, la concurrence du secteur informel et l’accès limité au financement». «Il suffit de conjuguer tous ces efforts pour permettre une bonne éclosion des PME», a dit Kaongo Wilfried Séraphin Kientéga, président du Comité national de suivi de la mise en œuvre de la stratégie régionale d’inclusion financière.
En ce qui concerne la digitalisation des paiements de l’Etat, les participants ont «estimé que c’est une porte d’entrée pour impulser l’inclusion financière», a affirmé M. Kientéga. Il a noté qu’elle a «des avantages en terme de gain de temps, de réduction de la corruption» et pour cela «il est impérativement nécessaire de disposer d’un écosystème global avec tous les acteurs que sont l’Etat, les autorités de régulation des téléphonies mobiles, les émetteurs des monnaies électroniques, les institutions financières».
«Les exposés nous ont amené premièrement à prendre un cas concret qui est une session qui a été consacrée aux dispositifs qui ont été mis en place par la Banque centrale pour accompagner les Petites et moyennes entreprises», a déclaré M. Kientéga, affirmant qu’ «il faut reconnaitre que les PME dominent le paysage des entreprises du secteur privé dans le monde, environ 95%».
M. Kientéga qui s’est appuyé sur des études menées, a laissé entendre que «dans les pays à faible revenu (des pays comme ceux de l’UEMOA), l’environnement est occupé par 80 à 95% de PME. Pour lui, «quand on regarde, les PME contribuent principalement aux principaux pourvoyeurs d’emplois dans les économies en développement comme celle de l’UEMOA».
Les innovations technologiques au service de l’inclusion financière
Les travaux qui se sont poursuivis le 27 novembre 2018, a permis aux participants d’échanger sur «les innovations technologiques au service de l’inclusion financière», notamment, les initiatives de la Banque centrale en matière de développement du service financier innovant et le rôle de l’innovation technologique dans le développement des services financiers numériques, dont le Mobile money.
«Dans le cadre de ces thèmes traités, on peut tirer une petite conclusion. C’est que la digitalisation aujourd’hui n’est pas perçue comme une option, mais une réalité, c’est un processus inéluctable face auquel on ne peut que s’adapter. Il faut l’encadrer. Il ne s’agit pas de s’opposer à l’innovation financière mais il faut l’accompagner», a soutenu le président du Comité national de suivi de la mise en œuvre de la stratégie régionale d’inclusion financière.
Les participants qui ont «salué les projets initiés par la Banque centrale en ce qui concerne l’inter-opérabilité à travers GIM UEMOA et (celui) qui vise à aider les systèmes financiers décentralisés à intégrer le système de paiement de l’Union», ont indiqué que «les Etats de l’Union devraient accroitre de façon significative les investissements dans les infrastructures nécessaires au développement des services financiers numériques, notamment dans la fibre optique, qui selon (eux), donne beaucoup plus de possibilité et de confort pour le développement des services financiers numériques». Ils ont également souhaité également qu’il y ait «une bonne collaboration entre les différentes parties prenantes, une mutualisation des efforts (car) individuellement on ne peut pas arriver à une situation globale, satisfaisante pour l’ensemble de la population», a soutenu M. Kientéga.
Lors des activités de la Semaine de l’inclusion financière dans l’UEMOA, «des associations des consommateurs (…) ont posé un certain nombre de préoccupations qui concernent prioritairement la tarification des services à offrir, la transparence, la disponibilité des conditions bancaires dans les structures bancaires et la gestion des plaintes», a-t-il poursuivi.
Une autre session tenue au cours de la deuxième journée a consisté à présenter la notion de Fintech. Selon M. Kientéga, «à ce niveau les participants sont revenus sur les contraintes du développement des services financiers numériques qui se résument, entre autres, aux faibles accès de la population à l’internet et à l’absence de coopération entre les Etats».
Pour ce qui est du défi de développement du secteur numérique, il a été indiqué que «la Banque centrale a un rôle important à jouer dans la promotion d’un écosystème favorable à l’éclosion Fintech dans l’UEMOA. Il a été également demandé à ce qu’on puisse avoir une approche participative qui implique tous les acteurs en vue de mettre en place une règlementation qui soit technologiquement neutre. C’est-à-dire une règlementation qui n’introduit pas de distorsion dans la concurrence», a-t-il rapporté.
«Il a également été noté la nécessité pour la Banque centrale de mettre en place un dispositif de veille technologique de surveillance des risques qui sont associés à cette opération. Plusieurs pistes de solutions ont été proposées pour la construction d’un écosystème fédéré et efficient qui prend en compte la nécessité d’accroitre la confiance des clients dans l’utilisation des innovations technologiques en matière financière. Il s’agit essentiellement du développement des canaux alternatifs de distribution adaptés aux populations rurales, du développement des capacités des systèmes financiers décentralisés pour favoriser leur intégration au système de paiement dans l’Union et le développement d’un écosystème digital au profit des acteurs du système financier tels que les Fintech, les institutions de développement des monnaies électroniques», a poursuivi le président du Comité national de suivi de la mise en œuvre de la stratégie régionale d’inclusion financière, Kaongo Wilfried Séraphin Kientéga.
Au titre des autres recommandations des deux jours de travaux, il faut citer «la mise en place d’une gestion automatisée des réclamations des clients, la mise en place d’un cadre juridique et réglementaire approprié en vue de favoriser le développement d’un écosystème financier basé sur la technologie».
Premier Comité régional de pilotage de la stratégie nationale d’inclusion financière
Dans la foulée des activités, il a été tenu le premier Comité régional de pilotage de la stratégie nationale d’inclusion financière. Cette session est la toute première du genre, selon le conférencier. Les participants à cette activité sont le gouverneur de la BCEAO, les directeurs nationaux de la BCEAO, les présidents nationaux de suivi de la mise en œuvre de la stratégie nationale d’inclusion financière des huit Etats membres, les partenaires techniques et financiers.
Le comité de pilotage a eu à examiner le programme d’activités et du budget 2019 pour la mise en œuvre de la stratégie nationale d’inclusion financière. La stratégie nationale d’inclusion financière est mise en œuvre à travers cinq axes autour desquels a été élaboré le programme d’activités.
«Le premier axe est consacré à la promotion d’un cadre légal et réglementaire et une supervision efficace, et le deuxième est intitulé l’assainissement et le renforcement du secteur de la microfinance». En ce qui concerne ce deuxième axe, «il est prévu pour l’année 2019, la réalisation d’action de formation au profit de 750 représentants des systèmes financiers décentralisés dans les huit Etats membres. Ces sessions de formations tournent autour des thèmes comme «le contrôle interne», «la gestion des risques et la conformité», «l’évaluation des performances», «le cadre règlementaire des systèmes financiers décentralisés». Pour cet axe bien précis, le coût total du budget qui y est consacré est de 303 175 400 de francs CFA sur 12 mois à partir de mai 2019», a indiqué Kaongo Wilfried Séraphin Kientéga.
Le troisième axe, lui, a trait à la promotion des innovations favorables à l’Inclusion financière des populations exclues et des PME». A ce niveau il est prévu la «réalisation d’un état des lieux des besoins des populations mal desservies (jeunes, femmes, producteurs des zones rurales, etc.) en produits et services financiers dans les huit pays, avec un coût total de 96 000 000 FCFA».
Quant au quatrième axe, il consiste à «renforcer l’éducation financière et la protection du client de services financiers/PM; élaborer à partir de la note d’orientation, des termes de référence de l’état des lieux de l’éducation financière; coupler avec l’enquête sur la demande des services financiers; mettre en place, dans les pays, un groupe de travail sur l’éducation financière, constitué de toutes les parties impliquées; réaliser l’état des lieux sur l’éducation financière intégrée avec l’enquête sur la demande de services financiers et concevoir un guide méthodologique pour l’élaboration d’un programme national d’éducation financière.
Le cinquième axe, enfin, concerne la mise en place d’un cadre politique et fiscal favorable à l’inclusion financière, la réalisation des études sur la demande et l’offre de services financiers pour un coût de 1 405 000 000 de francs CFA et la mise en place d’un système de collecte automatisée des données d’inclusion financière et de géolocalisation des points de services financiers avec un budget de 772 500 000 francs CFA sur une durée de deux ans. La mise en œuvre de toutes ces activités nécessite un budget d’un montant de 2 205 055 800 FCFA.
Dans le volet spécifique des conclusions et recommandation sur le Programme d’activités les participants ont insisté sur des points jugés très pertinents:
-exhorter les Comités nationaux de suivi de la mise en œuvre (CNSMO) à avoir un règlement intérieur au niveau de chaque pays;
-une bonne communication entre le plan national et le plan régional afin d’éviter les doublons au niveau des études;
-l’importance de maintenir le contact avec le CNSMO pour faire passer les informations;
-la digitalisation ne doit pas se limiter seulement à ce que les autres acteurs font mais également tous les aspects pris en charge par la Banque centrale doivent ressortir dans le programme d’activités;
-la gouvernance des Systèmes financiers décentralisés (SFD) doit ressortir au niveau des thèmes retenus pour le renforcement des capacités qui est prévu ;
-en matière de mobilisation des ressources, le niveau régional doit servir de catalyseur pour les pays qui ont des difficultés de mobilisation des partenaires;
-l’éducation financière n’étant pas au même niveau dans tous les pays, il faut voir la possibilité de mutualisation.
Par Daouda ZONGO