L’insécurité dans le nord du Burkina du fait des attaques armées répétées a poussé plus de 5 000 personnes à se déplacer et plus de 216 écoles fermées touchant plus de 895 enseignants et plus de 24 434 élèves, selon des organisations partenaire du Présimètre, notamment Mouvement Burkinabè des Droits de l’Homme et des Peuples (MBDHP) et le Balai Citoyen dans une déclaration rendu publique ce jeudi 26 avril 2018.
Les organisations de la société civile (OSC) partenaires du programme Présimètre, se sont réunies à Bobo-Dioulasso, du 16 au 20 avril dans le cadre d’un séminaire sur le suivi citoyen de l’action publique. En marge des travaux, et conformément à leur mission de veille citoyenne, elles ont examiné l’actualité sociopolitique de notre pays. Elles livrent dans la présente déclaration leur diagnostic et leurs propositions sur les grandes questions qui ont affecté la vie de la nation ces derniers mois.
De la situation sécuritaire
Malgré les efforts déployés par le gouvernement, l’insécurité liée au terrorisme est hors de contrôle, comme en témoignent les récentes attaques enregistrées sur notre territoire:
-La double attaque du 2 Mars 2018 de l’Etat-major Général des Armées et de l’Ambassade de France qui a fait 8 victimes ;
l’assassinat, le 08 avril 2018, de Hamidou Koundaba, maire de la commune rurale de Koutoukou, province du Soum ;
-le meurtre, le 12 avril 2018, d’une élève de la classe de CM2 de l’école de Bouro, dans la commune de Nassoumbou, province du Soum;
-l’enlèvement le 12 avril 2018, revendiqué par le groupe « Etat islamique au grand Sahara », d’Issouf Souabo, enseignant à l’école de Bouro, dans la commune de Nassoumbou, province du Soum.
Cette situation chaotique qui touche l’ensemble du territoire national, est particulièrement préoccupante dans le Sahel, d’où les informations statistiques qui nous parviennent sont très alarmantes : plus de 5000 personnes déplacées, plus de 216 écoles fermées touchant plus de 895 enseignants et plus de 24 434 élèves qui voient leur avenir ainsi hypothéqué. Ce drame reflète l’absence de réponses concrètes aux problèmes structurels de notre appareil sécuritaire. Ces problèmes sont liés à l’inadaptation de nos politiques de sécurité, au déficit de moyens alloués aux forces de défense et de sécurité, à l’opacité qui caractérise la gestion financière dans le secteur de la sécurité, à la corruption au sein des forces de défense et de sécurité, etc.
Le forum national sur la sécurité organisé en octobre 2017 a proposé une remise à plat des politiques de sécurité à travers l’élaboration d’une politique de sécurité nationale. Plus de cinq mois après le forum, comment expliquer que le rapport général ne soit pas encore publié ? Comment expliquer que le comité chargé de mettre en œuvre les recommandations du forum ne soit pas encore mis en place? Que traduit une telle inertie face à cette menace sans précédent si ce n’est un manque de volonté politique?
De la justice et de l’unité nationale
Les partenaires du Présimètre constatent avec amertume des résultats mitigés dans la lutte contre l’impunité. En effet, malgré les processus judiciaires enclenchés depuis 2015, la soif de vérité et de justice des Burkinabè reste à étancher. Le Haut conseil pour la réconciliation et l’unité nationale (HCRUN), organe en charge de la justice transitionnelle, ne semble pas encore sorti de la longue léthargie, malgré les fonds injectés pour son fonctionnement et la nomination d’un nouveau président.
Par ailleurs, malgré les recommandations de la Commission de la réconciliation nationale et des réformes (CRNR), la crédibilité du système judiciaire et sa capacité à lutter contre l’impunité restent encore un défi majeur.
Dans un contexte où se développent des menaces contre le vivre ensemble, avec une exacerbation de la crise des valeurs et une inflation de la méfiance et de la défiance citoyenne, le dialogue sincère et la sauvegarde de la cohésion nationale sont un impératif. Par exemple les dérives à caractère identitaire enregistrés çà et là ainsi que les conflits communautaires dans certaines localités nous interpellent sur la nécessité de renforcer notre vivre-ensemble et l’unité nationale.
Des questions sociales
Malgré quelques acquis enregistrés, les attentes sociales des Burkinabè demeurent largement insatisfaites. Qu’il s’agisse du logement, de la santé, de l’éducation ou encore du droit à l’alimentation, les politiques publiques tardent à apporter des réponses globales appropriées à ces problématiques essentielles. Parmi les sujets les plus préoccupants, le droit au logement et la « guerre des terres » restent d’actualité.
Il urge que le gouvernement mette en œuvre les recommandations de la Commission de la réconciliation nationale et des réformes (CRNR) et la Commission d’enquête parlementaire sur le foncier. Il s’agit notamment du contentieux foncier en milieu rural et urbain, de l’apurement du passif du foncier et de l’informatisation du système de gestion de ce secteur.
Par ailleurs, la controverse sur le système de rémunération des fonctionnaires met en évidence des problèmes profonds tels l’injustice sociale et la précarité de notre économie. La réflexion doit être prioritairement axée sur la production et la gestion de la richesse nationale ainsi que sur la lutte contre l’injustice sociale. La question mérite donc d’être abordée de manière globale et non pas uniquement sous un angle sectoriel.
De la gouvernance démocratique
Les partenaires du Présimètre, observent une incertitude sur la réforme constitutionnelle devant permettre au Burkina Faso de passer à une nouvelle République. Où en est-on ? A quand l’adoption de la nouvelle Constitution ? Par quel mécanisme la Constitution sera-t-elle adoptée ? Autant de questions qui demeurent à ce jour sans réponse.
En outre, les partenaires du Présimètre constatent que la réforme de la loi électorale nécessaire à l’opérationnalisation du vote des Burkinabè de l’extérieur tarde à être adoptée. Or, le mauvais traitement de cette épineuse question pourrait être une source de tension pouvant entacher la crédibilité des échéances électorales à venir.
Au regard de ce diagnostic, les organisations partenaires du Présimètre:
-demandent au président du Faso et à son gouvernement de publier le rapport général du forum national sur la sécurité et de mettre en place rapidement le comité interministériel chargé de rédiger la politique de sécurité nationale ;
-de se prononcer clairement et dans les meilleurs délais sur son plan d’opérationnalisation de la réforme constitutionnelle ;
-d’engager une réflexion profonde sur la sauvegarde des référents et des valeurs cardinales qui fondent l’unité nationale;
-de prendre des mesures fortes contre les dérives à caractère identitaire qui menacent l’unité nationale ;
-d’engager un dialogue sincère avec les partenaires sociaux afin de promouvoir la stabilité nécessaire à l’essor d’une économie dynamique ;
-de combattre l’impunité en engageant une lutte sans merci contre les crimes économiques et les crimes de sang ;
-de prendre des mesures structurelles sur le droit au logement en engageant le processus d’apurement du passif et l’informatisation du système de gestion foncière;
-de relancer le processus de relecture de la loi électorale en vue de définir les modalités du vote des Burkinabè de l’extérieur;
exhortent les autorités judiciaires :
-à se saisir de tout acte de nature à remettre en cause notre cohésion nationale afin d’en sanctionner les auteurs conformément à la loi ;
-à combattre l’impunité au sein de l’appareil judiciaire ;
invitent l’ensemble des Burkinabè à s’abstenir de tout acte ou propos de nature à menacer l’unité nationale, qui constitue notre plus grande richesse et notre source naturelle de résilience face aux adversités de toutes sortes; encouragent les citoyens à garder le cap de la veille citoyenne et les autorités à renforcer les mécanismes de reddition des comptes.
Fait à Bobo-Dioulasso, le 20 avril 2018
Ont signé
Association d’Appui et d’Eveil Pugsada (ADEP)
Association de Blogueurs du Burkina (ABB)
Association Monde Rural (AMR)
Association SEMFILMS
Balai Citoyen
Centre National de Presse Norbert Zongo (CNP NZ)
Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD)
Convention des Organisations de la Société Civile pour l’observation domestique des élections (CODEL)
Groupe d’Etudes et de Recherche sur la Démocratie et le Développement Economique et Social (GERDDES)
Institut Free Afrik.
Mouvement Burkinabè des Droits de l’Homme et des Peuples (MBDHP)
Réseau National de Lutte Anti-Corruption (REN LAC)
Union Nationale de l’Audiovisuel Libre du Faso (UNALFA)