Depuis des décennies, les pays africains à travers des initiatives comme la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) ont instauré des outils pour assurer une certaine fluidité dans la circulation des biens et des personnes. Du reste, toutes ces initiatives ne constituent que le prolongement de la vie des ménages que les frontières héritées de la colonisation ont divisés. Car ces démarcations artificielles n’avaient jamais empêché la cuisinière de demander du sel ou du bois à sa voisine qui se trouve en réalité de l’autre côté de la frontière. C’est donc avec bonheur que les populations ont accueilli la nouvelle donne qui encourage la libre circulation des biens et des personnes, gage de toute intégration, qu’elle soit sous-régionale ou régionale. Proclamées donc à toutes les tribunes, notamment par les politiciens qui en ont fait plus un phénomène de mode qu’une réalité, cette intégration des Etats a plutôt renversé négativement la courbe à la base.
C’est ainsi qu’en dépit des progrès réalisés dans la mise en œuvre des mesures instaurant la carte d’identité et le passeport biométriques de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), les mouvements des personnes et des biens continuent d’être un casse-tête pour les ressortissants de cette zone.
Que de tracasseries sur l’autoroute reliant Abidjan à Lagos, en passant par Accra, Lomé et Cotonou. C’est un véritable calvaire que d’emprunter un véhicule de transport en commun, et passer les frontières de cette autoroute dont le promoteur n’est autre que la Banque africaine de développement, qui avec l’Union Européenne ont opéré un déblocage de 18 millions de dollars pour mettre le projet en branle. A Noé, Elubo, Aflao, Hilacondji, Sêmè-Podji, certaines étapes de ce corridor incontournable suffisent pour évoquer l’amertume des centaines de milliers de voyageurs. Pourtant, ce coup de pouce de la BAD, salué par toutes les populations des cinq pays, en l’occurrence le Bénin, le Togo, le Nigeria, la Côte d’Ivoire et le Ghana, était d’une utilité et même d’une urgence sans nul pareil. A l’instar de la route de l’or, ce joyau permettait de faire prospérer le développement de la sous-région, voire de l’Afrique. Mieux, cette route devrait faciliter l’essor de l’économie ouest-africaine, car constituant un tremplin d’envergure de l’intégration.
En sus de ces freins à la libre circulation des biens et des personnes qui sont en fait un système de racket savamment mis en place par certains agents de sécurité pus par la corruption, on ne saurait occulter les ralentisseurs de l’intégration tels la ratification de l’accord de libre échange par la portion congrue de 12 pays, le chevauchement des adhésions dans les Commissions économiques régionales (CER) dont les instruments de politique ne sont pas harmonisés. De même, la faible application des traités existants et les obstacles non tarifaires continuent d’entraver la libre circulation des biens, des services et des personnes à travers les frontières. Comme pour en rajouter aux obstacles, le constat est patent que peu d’attention est portée à l’intégration sous ses aspects social, culturel et politique.
En tout cas, cette 13è édition de la Conférence économique africaine (CEA) qu’abrite Kigali, du 3 au 5 décembre 2018, et organisée par la Banque africaine de développement (BAD), la Commission économique africaine (EAC) et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD)
entend remettre les pendules à l’heure de l’intégration véritable et holistique. C’est la volonté des chercheurs, représentants de la société civile, hommes et femmes de médias, hommes politiques, etc. qui, par la richesse de leurs réflexions sont engagés à passer de la parole à l’acte. Ils ont ainsi planché sur les solutions pragmatiques et concrètes, aux problèmes latents d’intégration régionale et continentale au service du développement de l’Afrique, et proposé de véritables solutions à l’émergence la région. Dans la même veine, ils ont passé en revue l’épineuse question de la libre circulation dans nos espaces, qui selon Moono Mupotola, Directrice du département de l’intégration de la Banque, «est un facteur indéniable de rapprochement des peuples, d’intégration et d’accélération économique».
Morin YAMONGBE avec Aristide AHOUASSOU (BAD)