Appelé «petit président» par les uns ou «papa» par d’autres, François Compaoré ne jouit plus de cette puissance qui faisait de lui l’une des personnes les plus craintes au Burkina Faso. Preuve qu’il n’est plus cet intouchable qui était même au-dessus de la loi, il vient de faire l’objet d’une interpellation dominicale par la police française ce 29 octobre 2017 à l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle. Le frère cadet de l’ancien président du Faso était en provenance d’Abidjan, où son aîné vit depuis sa démission, provoquée par une insurrection populaire qui fête, ces 30 et 31 octobre, un an jour pour jour d’anniversaire. La France aurait voulu offrir un cadeau d’anniversaire inespéré au Burkina Faso qu’elle n’aurait fait mieux. Certes. L’homme, sous le coup d’un mandat d’arrêt international, est accusé d’«incitation d’assassinats» dans l’affaire dite Norbert Zongo, l’illustre journaliste d’investigation, dont le corps a été retrouvé calciné, avec ceux de ses trois compagnons d’infortune, un sinistre 13 décembre 1998. Et depuis lors, le dossier avait bénéficié d’un enterrement de première classe par un non-lieu accordé par la justice burkinabè, à l’un des suspects sérieux, en l’occurrence feu Marcel Kafando, ci-devant adjudant-chef de l’ex Régiment de sécurité présidentielle. Mais pour le bonheur des familles des disparus qui ne peuvent faire le deuil des leurs sans connaître les responsables des atrocités qui les ont fait passer de vie à trépas, l’affaire a été exhumée sous la transition politique. Toute chose qui fait poindre aujourd’hui une lueur d’espoir pour la recherche de la vérité dans l’affaire Norbert Zongo.
Questions: Mais pourquoi c’est seulement maintenant que François Compaoré est inquiété par la justice française alors que le mandat aurait été émis depuis un certain temps? A moins de son propre gré, aller à Canossa, pourquoi se sachant sous le coup d’un mandat d’arrêt international, et conscient que son grand-frère n’est plus aux affaires et ne maîtrise donc plus les leviers qui lui procurait protection, François Compaoré est-il aller se pavaner sur les bords de la Seine? Pourquoi encore peu de temps avant son arrestation, l’ancien conseiller le plus écouté par son grand-frère et donc le plus courtisé par ceux qui voulaient être dans les bonnes grâces du prince, avait-il accordé cette interview fleuve à un confrère où il se disait «serein» et «continuer à vivre normalement», voyageant entre Paris et Abidjan? Erreur de casting ou volonté suicidaire de narguer la justice internationale? A la décharge François Compaoré, ses avocats, à l’en croire, après leurs investigations auprès des autorités des autorités de France et de Côte d’Ivoire, «n’ont trouvé aucune trace de ce mandat». Cet homme d’habitude très futé a-t-il été abusé par ses avocats ou est-il retenu arbitrairement en l’absence du fameux document? Un pan de cette dernière interrogation devra être levé dans les prochaines heures par le juge qui devrait notifier le mandat, et dire si oui ou non il peut être exécuté. Et pourquoi est-ce quelques semaines avant la venue de Emmanuel Macron au Burkina, cette arrestation survient-elle comme pour essayer de prouver le contraire à ceux qui clouent la France au pilori de pays favorisant l’impunité?
En attendant, les véritables assoiffés de la justice, ceux qui n’ont pas fait du dossier de notre confrère émérite un fonds de commerce, l’exhibant à la veille de chaque anniversaire de sa mort ou pour se faire une publicité gratuite avec, applaudissent logiquement cette interpellation. Pour les parents des victimes et la famille des journalistes endeuillée par cette disparition de 19 ans, la lumière est en train de se dessiner car, celui qui est aujourd’hui au centre de détention de l’aéroport parisien est bien celui dont la mort du chauffeur, David Ouédraogo, dans des conditions floues, était le cœur de cible des investigations de feu Norbert Zongo. Par contre, Me Pierre-Olivier Sur, l’avocat chevronné de François Compaoré dénonce une manoeuvre politique dans cette action judiciaire. Une chose est certaine, le gouvernement burkinabè entend demander l’extradition de François Compaoré vers Ouagadougou pour un jugement. Une affaire qui promet. Mais c’est un qui pourrait aussi malheureusement s’étirer et s’éterniser, si une pression inutile est mise en avant et que la rue s’en empare une fois de plus, car la France, bien entendu après l’appréciation du juge, ne voudra certainement pas renvoyer François Compaoré dans un Burkina où son intégrité physique n’est pas assurée et si une justice équitable ne lui est pas garantie.
Par Wakat Séra