Les élections de tous les dangers. C’est la grosse inquiétude qui anime les Kényans depuis que les six scrutins qui amènent les électeurs devant les bureaux de vote ce mardi 8 août ont été annoncés. La peur panique n’a pas diminué d’une once, jusqu’à la veille de ces élections générales qui concernent la présidentielle, les législatives et les locales. Les craintes sont si fortes que les différentes confessions religieuses ont multiplié les prières pour conjurer ce mauvais sort qui plane sur le Kenya et ressuscite les mauvais démons, dès que des élections sont envisagées. Celles-ci ne dérogent pas à cette règle et les habitants qui pensent être dans les zones très à risques ont fui vers l’intérieur du pays, dans leurs villages d’origine pour la plupart. Les violences de 2007 qui maintiennent encore plus d’une décennie après, 75 000 personnes sur les routes douloureuses de l’exil, sont encore vivaces dans les esprits. Et même si Nairobi n’est pas devenu totalement ville fantôme, elle n’en n’a pas moins été délestée d’un nombre important de ses habitants. Et sans jouer les oiseaux de mauvais augure, on ne peut que s’inquiéter de ces nuages épais qui s’amoncellent dans le ciel kényan, annonciateurs d’un orage des temps électoraux. Les mêmes politiciens tirent toujours les mêmes ficelles de la division. La même armée soucieuse de défendre ses intérêts sème la terreur chez les opposants et, de connivence avec le pouvoir, serait en train de mettre une machine de fraude en place. L’attaque de la maison du vice-président William Ruto et la descente dans ses locaux dont l’opposition accuse les policiers, sont loin d’être de bons présages. Du reste, la campagne électorale a été jugée houleuse, tant dans le discours que dans les actes…
Une fois de plus, tous les ingrédients sont en train d’être réunis pour faire de ces élections un gros volcan en attente d’éruption. A ce rythme, plus inquiétante encore sera la période post-électorale, ces scrutins devant peut-être déterminer la retraite politique de l’opposant historique, Raïla Odinga, dont le camp et celui du président Uhuru Kenyatta sont les principaux acteurs en présence. A moins que, dans un ultime sursaut d’orgueil et surtout de patriotisme, les Kenyans prennent conscience que les élections, ce n’est pas la guerre, mais juste une étape nécessaire à la construction du processus démocratique, tremplin du développement de leur pays qui constitue une merveille naturelle très prisée des touristes qui y accourent du reste de la planète entière. Et si les Kenyans mettaient plutôt à profit toutes ces énergies pour nourrir les forces du mal, au profit d’élections plus ou moins propres à l’issue desquelles les gagnants tendront la main aux perdants dans le but de construire un avenir radieux pour la jeunesse en quête de repères? Ce serait le plus grand service qu’ils rendraient à un Kenya qui aura besoin de tous ses fils et filles pour se reconstruire suite aux récurrents conflits de terre et surtout aux incendiaires rivalités ethniques. Il faut d’ailleurs espérer que les actuels dirigeants du Kenya, le chef de l’Etat Uhuru Kenyatta et son vice-président, William Ruto, qui s’étaient retrouvés parmi les clients de la Cour pénale internationale, après les violences inouïes occasionnées par les élections de 2007, tirent leçon de cette période sombre de l’histoire du Kenya et contribuent à désarmer les bras et surtout les cœurs afin que leur pays vivent des élections apaisées.
Quand est-ce que les élections cesseront-elles de rimer avec violences en Afrique? Contrairement à d’autres contrées, sous les tropiques, les joutes électorales ne se limitent pas aux discours. A la place de programmes de gouvernance pertinents pour séduire l’électorat, c’est plutôt l’argent et les promesses de postes juteux qui servent d’arguments décisifs. Les gourdins et autres machettes, sans oublier les interventions musclées des forces de l’ordre contre les opposants sont également mis à profit. Et au lieu de la force de l’argument, c’est le classique argument de la force qui est actionné, plongeant les pays dans un cycle de crises qui les enlisent davantage dans la misère et le sous-développement.
Par Wakat Séra