Qui veut noyer son chien l’accuse de rage. Au Kenya, le feuilleton politique de la rentrée qui se joue, pourrait bien avoir été mise en scène à partie de cet adage dont les politiciens sont experts dans l’utilisation et même dans l’abus. Les cabales politiques se multiplient alors, fabriquées dans des laboratoires de choix, sur des faits vrais ou montés de toutes pièces, l’essentiel étant d’abattre une proie transformée en ennemi juré, puisqu’en Afrique, l’opposant ou adversaire politique, ou simplement la voix critique dissonante, est simplement la personne à réduire à néant, sans autre forme de procès. De ce fait, l’empêcheur de tourner en rond est simplement voué aux gémonies, jeté en pâtures, tant aux partisans que devant les institutions étatiques.
Le vice-président kényan, Rigathi Gachagua, 59 ans, a ainsi fait les frais de ce sport national malsain, lui, dont les relations se sont fortement dégradées avec le président William Ruto Il porte désormais la casquette de paria du pouvoir, et a été destitué, le jeudi 17 octobre, par le Sénat qui l’avait jugé coupable de «violation grave» de la Constitution, de menaces envers les juges et de pratiques politiques de division ethnique. Au moment des faits, le vice-président était hospitalisé, souffrant de «douleurs thoraciques intenses» et avait besoin d’un «repos complet». Mais, il a simplement été lâché par celui qu’il a toujours considéré comme un «ami», mais qui a voulu lui porter, sans pitié, l’estocade finale sur son lit d’hôpital. Les sentiments n’ont pas leur place en politique, si ce n’est pour les naïfs!
Comme pour ne pas laisser traîner les choses, et éviter un possible retournement de situation, à la place de celui qui était déjà considéré comme ex vice-président, a été nommé, le vendredi 18 octobre 2024, l’actuel ministre de l’Intérieur du Kenya, Abraham Kiture Kidiki. 52 ans, l’ancien professeur d’université a surtout été celui qui a défendu le président William Ruto face à la Cour pénale internationale (CPI). M. Ruto y était, avec d’autres dirigeants kényans, accusé d’implication dans des crimes commis, en 2007, lors des violences post-électorales au Kenya. Des poursuites finalement abandonnées.
Mais le scénario mis en place par le pouvoir contre le vice-président indésirable s’est vite grippé, le vice-président préféré du président, lui, étant celui qui est rejeté par le peuple pour son rôle de soutien à la répression sans commune mesure de la jeunesse kényane, lors des manifestations de rue de juillet, qui ont été le cimetière de nombreux jeunes qui ne réclamaient, eux et les femmes, que de meilleures conditions de vie. A l’époque, le ministre de l’intérieur Abraham Kiture Kidiki, avait été accusé comme celui qui a apporté un soutien indéfectible aux forces de l’ordre qui ont été les bourreaux des manifestants.
Le Kenya se retrouve donc dans une situation inédite, avec ses deux vice-présidents, les avocats de Rigathi Gachagua, suite à la destitution de leur client, cloué au lit par la maladie et sur le point d’être achevé politiquement et judiciairement par ses adversaires, ayant aussitôt décidé d’engager une procédure judiciaire auprès de la Haute Cour. Ce qui provoque, du coup, la suspension de la fatwa du président Ruto et des élus et sénateurs acquis à sa cause.
En attendant le, ou un, dénouement, prévu pour le 24 octobre, le Kenya peut se targuer dans son histoire politique, d’avoir eu, en même temps, deux vice-présidents. Une autre phase de plus dans la vie politique tumultueuse du Kenya de William Ruto
Par Wakat Séra