Et bis repetita! Comme un cycle ininterrompu, le Kenya est sur le point de revivre les violences qui ont fait fuir du pays nombre de ces fils et filles dont plus de 75 000 sont encore en exil. Pire, la comptabilité macabre de cette sanglante parenthèse électorale dénombre plus de 1 000 morts. Et comme en 2007-2008, ce sont les mêmes acteurs politiciens qui mettent le pays à feu et à sang au nom d’élections qui, pourtant, à l’instar de toute compétition fait des gagnants et des perdants. Malheureusement, les déçus, au lieu d’utiliser les voies de recours à eux offerts par la loi préfèrent bander les muscles, faisant jouer l’argument de la force, toute chose qui font basculer le pays dans le chaos. Le scénario de 2007-2008 est donc en pleine réécriture, avec à la baguette le réalisateur en chef, Raïla Odinga et dans les principaux rôles, ses partisans qui ont opté pour le rejet dans la violence, les résultats provisoires des élections générales du mardi 8 août. L’opposition demande même que Raïla Odinga soit simplement déclaré vainqueur de la présidentielle. La raison étant la chose la moins partagée par l’opposant historique et ses «guerriers», ceux-ci sont déterminés à mettre le Kenya à feu et à sang. Ils ont même ressuscité le «no Raïla, no peace», leur slogan de guerre de 2007 qui signifie sans équivoque qu’il n’y aura pas de paix sans Raïla.
En tout cas, la tension demeure vive au Kenya suite aux résultats provisoires qui, pour la présidentielle, donnent une large avance au président sortant, Uhuru Kenyatta, avec, sur près de 97% des bureaux de vote, 54% des voix contre 44% pour son challenger, Raïla Odinga. Ce dernier dénonce un piratage du système informatique de la Commission électorale, ce que dément énergiquement l’institution en charge de l’organisation des scrutins. Et même s’ils se sentent lésés, Raïla Odinga, en acceptant d’aller au combat des urnes doivent savoir qu’ils sont contraints à en respecter les règles. Ainsi, dans le cas d’espèce, leurs revendications doivent se faire devant les tribunaux de droit, les seules structures compétentes dans le règlement de ces présumées anomalies. Un Etat de droit ne saurait s’accommoder de ces réactions grégaires qui sont d’une certaine époque. Ces affrontements entre les manifestants et les forces de l’ordre ont déjà fait malheureusement des morts et des blessés. Ils font également peser des menaces de destruction d’infrastructures publiques et de biens privés. La peur est grande dans la capitale Nairobi et bien d’autres contrées. Si le pays a retrouvé une sorte de tranquillité après les folles heures de la journée, il faut dire qu’une crainte est là que toutes ces manifestations ne débouchent sur un bain de sang.
Raïla Odinga, qui trébuche ainsi pour la quatrième, et sans doute la dernière fois, sur la route menant à la présidence, saura-t-il trouver les mots pour refréner les ardeurs aux conséquences dévastatrices et meurtrières de sa meute? L’opposant qui a d’ailleurs été le premier Premier ministre du Kenya, doit se résoudre aux contraintes des procédures de revendications dans un esprit républicain. Il faut l’espérer et exhorter également le pouvoir en place à être à cheval sur les règles de transparence en matière d’élections. Le temps du «on n’organise pas les élections pour les perdre» doit s’effacer totalement pour faire place au fair-play et aux bonnes pratiques de la gouvernance, vertus qui sont des piliers fondamentaux de la démocratie. Pourvu que chaque sache enfin raison garder pour que le processus aille à son terme dans le calme et la bonne intelligence entre les acteurs politiques. Le Kenya doit tourner le dos aux violences électorales pour emprunter les voies heureuses du développement. Pourvu que les jours prochains ramènent la paix au Kenya, avec ou sans Raïla au pouvoir.
Par Wakat Séra