Les succès semblent s’aligner pour le général Abdel Fattah al-Burhan, le chef de l’armée soudanaise dont les troupes viennent de récupérer, selon ses dires, l’aéroport de Khartoum, après avoir repris le palais présidentiel. Deux sites, le premier hautement stratégique et le deuxième qui, bien que symbolique, constitue un trophée de taille. Ces victoires obtenues par l’armée dite régulière, sur les Forces de soutien rapides (FSR), les paramilitaires du général Mohamed Hamdane Daglo alias Hemedti, sont la preuve que la guerre des généraux est passée à une autre phase.
La guerre est, peut-être, en train de tourner en faveur des Forces armées soudanaises (FAS). Jusqu’à un autre rebondissement? S’ils ont frôlé la déroute, le général Al-Burhan et ses hommes font mieux que reprendre du poil de la bête. Le général des FAS a donc toutes les raisons de jubiler. Sauf que le lourd tribut que paie les populations civiles à ce conflit, dont le seul but visé par les parties en présence, est la conquête égoïste du pouvoir, devait plutôt amener al-Burhan à chercher à gagner la paix pour tout le Soudan. Quitte à passer la main à un pouvoir civil à travers un processus démocratique ouvert, sur lequel veillera une armée républicaine.
Alors que le peuple soudanais, après avoir mené un combat digne des grandes luttes d’indépendance, pour se débarrasser en 2019, d’Omar el-Béchir qui a dirigé le pays d’une main de fer durant trente ans, pensait avoir, enfin, l’occasion de respirer à pleins poumons, l’air vivifiant de la liberté, il verra sa révolution être confisquée par l’armée. Mais les deux généraux qui s’entendaient comme larrons en foire, dans la gestion d’un pouvoir que l’armée n’a jamais voulu perdre, allant jusqu’au sacrifice de son leader de l’époque, sont vite devenus chien et chat! Des ennemis jurés qui se vouent une haine réciproque.
Ainsi commença le nouveau calvaire des Soudanais, pris dans l’étau des canons des militaires et ceux des paramilitaires. Le quotidien pour les populations devient, tueries, exil vers des cieux plus cléments, viols, recrutement d’enfants soldats, famine, en somme la guerre doublée d’une crise humanitaire sans commune mesure. Sorti des années de braise Béchir pour plonger dans le feu de la géhenne allumé, et généreusement entretenu, par les généraux ennemis assoiffés de pouvoir, le peuple soudanais est comme condamné à une souffrance sans fin.
Après la libération de Khartoum, à quand celle du Soudan que les généraux ont transformé en champ de bataille où toute vie, entre les balles de fusil et toutes les sortes exactions, devient un miracle qu’il faut implorer chaque jour pour espérer survivre et voir le lendemain? Malheureusement, la guerre oubliée du Soudan est loin d’attirer la compassion de la communauté internationale. Les «puissants» de ce monde sont davantage préoccupés par l’Ukraine sous les bombes russes et Beyrouth, prise en otage par l’éternel conflit entre Israël et la Palestine. Abandonnés à eux-mêmes, les Soudanais trouveront-ils le second souffle pour réaliser l’exploit qui a conduit à la chute de Omar el-Béchir et les avait libérés de cette vie de damnés de la terre? Question pour l’instant, sans réponse!
Par Wakat Séra