Qui l’a creusé? Où est-il localisé? Combien de corps y sont entassés? Autant d’interrogations autour de ce charnier que l’armée malienne affirme avoir découvert à Kidal, le jeudi 16 novembre, après avoir récupéré cette citadelle longtemps restée aux mains des rebelles du Cadre stratégique permanent (CSP). Mais ce charnier existe-t-il seulement?
Les hommes du CSP qui réclamaient le camp militaire laissé derrière eux par les personnels de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), mais ont dû battre en retraite devant la puissance de feu des Forces armées maliennes (FAMa) et leurs soutiens, dont, les éléments de Wagner, nient en tout cas, être responsables d’un quelconque charnier. Ils vont plus loin en attribuant des tueries en masse, notamment de civils, aux FAMa et leurs supplétifs paramilitaires russes de Wagner, dans leur odyssée de reconquête du nord malien.
L’armée malienne, elle, tient sa découverte comme un trophée de guerre et a même appelé la justice en renfort pour mener une enquête par l’intermédiaire de son pôle spécialisé de lutte contre le terrorisme. Charnier ou pas charnier? Pure mise en scène que l’armée malienne aurait orchestrée, selon les rebelles du CSP, comme l’accusation contre Barkhane d’être à l’origine d’un charnier, alors que les soldats français quittaient Gossi en avril 2022, dans la logique de leur retrait forcé du Mali. Du reste, grâce à des images prises par des drones, les Français avaient mis à nu un montage grossier, ce qui avait valu à la France, de la part du Mali, d’être accusée, cette fois-ci, d’espionnage.
Sans aucun doute, d’autres révélations seront encore exhibées, accusant l’un ou l’autre camp, de barbarie, notamment contre les populations civiles. La guerre de communication battra encore longtemps son plein, dans le but de diaboliser l’ennemi et lui attribuer le mauvais rôle. Et comme les absents ont toujours tort et que les sources indépendantes, donc crédibles, ont toutes été chassées du Mali, déclarées non grata par les militaires au pouvoir à Bamako, la saison des accusations est loin de prendre fin sur les bords du Djoliba.
Pendant que les accusations de charnier font rage, les éléments de Wagner que l’opinion qualifie, à tort ou à raison, de mercenaires, eux, ont hissé au sommet du fort de Kidal, leurs couleurs, comme pour faire porter leur marque au territoire qu’ils viennent de conquérir. C’est une vidéo qui a fait le tour des réseaux sociaux avant d’être qualifié de «fake» par les autorités maliennes. Pas question pour le colonel Assimi Goïta et ses lieutenants qui en ont fait le pilier et l’étoile polaire de leur combat de voir écornée, cette souveraineté à laquelle ils tiennent tant.
En tout cas, s’il est vrai que, ne serait-ce même que le temps d’un battement de cils, ce drapeau de Wagner a flotté sur Kidal, comme celui américain que l’astronaute Neil Armstrong aurait planté sur la lune, en tant que le premier homme qui y a posé le pied, le 21 juillet 1969, cela pose problème. Car les paramilitaires russes auraient voulu porter un coup à la fierté des FAMa à qui il est attribué la reconquête nationale, qu’ils n’auraient agi autrement. Loin d’être anecdotique, ce geste pourrait être révélateur du vrai rôle de maîtres des lieux que se donnent les combattants de Wagner. Au risque de provoquer l’ire des colonels de Bamako.
Entre révélation vraie ou fausse de charnier et implantation de drapeau de Wagner, vraie ou fausse également, ainsi va l’offensive de la reconquête du Maliba, le «grand Mali», opération qui ne sera certainement pas un long fleuve tranquille!
Par Wakat Séra