Au départ, c’est l’opposant Ousmane Sonko qui avait des problèmes avec la justice. Mais à ce jour c’est l’ensemble du pays qui est marqué des troubles socio-politiques. AfricTivistes attire l’attention, dans cet écrit sur ce qu’il en est au Sénégal, depuis presque deux mois de troubles.
Depuis début février 2021, le Sénégal est en train de revivre des tensions politico-judiciaires. Tout est parti d’une plainte pour viol et menaces de mort déposée le 03 février par une masseuse et visant le député et opposant politique Ousmane Sonko (arrivé 3e à la dernière élection présidentielle de 2019). Le déclenchement de cette procédure judiciaire a eu des répercussions sur la stabilité du pays. Hier, mercredi 03 mars, alors qu’il était en chemin pour répondre à la convocation du juge, les autorités ont voulu lui imposer un itinéraire. Ce qu’il n’a pas voulu suivre en restant sur sa position de continuer son itinéraire d’origine. Il s’est fait arrêter par la suite pour des infractions de « troubles à l’ordre public et participation à une manifestation non autorisée ». En plus des accusations de viol, Sonko est poursuivi pour ces deux nouveaux chefs d’accusation qui lui ont valu d’être mis sous mandat de dépôt depuis mercredi.
Des heurts et autres manifestations des partisans et sympathisants sont notés sur l’ensemble du territoire national. Ils dénoncent une machination politique avec un principal objectif, liquider leur leader politique et chef de l’opposition. Il s’en est suivi une série d’arrestations dans de nombreuses localités, souvent, avec comme prétexte l’interdiction de rassemblements à cause de la pandémie à coronavirus. Une centaine d’arrestations a été notée dans le pays. Si la plupart a été libérée, il n’en demeure pas moins de 20 personnes placées à ce jour sous mandat de dépôt pour des délits divers: atteinte à la sûreté de l’Etat, menaces de morts contre des personnalités du régime, appel à l’insurrection, etc.
Il est à noter que les manifestations se sont poursuivis ce jeudi 4 mars. Au-delà des dégâts matériels notés pendant ces deux jours, la mort d’au moins un jeune d’une vingtaine d’années est à déplorer à Bignona, région de Ziguinchor (Sud du Sénégal).
La Constitution sénégalaise en son article 8 garantit à tous les citoyens les libertés individuelles fondamentales dont les libertés d’opinion, d’expression, de la presse, d’association, de réunion, de déplacement, de manifestation, entre autres. Toujours dans l’article 10 de la charte fondamentale sénégalaise, il est indiqué que chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement ses opinions par la parole, la plume, l’image, la marche pacifique, pourvu que l’exercice de ces droits ne porte atteinte ni à l’honneur et à la considération d’autrui, ni à l’ordre public.
Des principes qui tirent leur sens dans les textes et conventions internationales. La déclaration universelle des droits de l’homme notamment en son article 19 dispose que “tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit”. Quant à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, elle indique dans son article 6 que “tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminés par la loi; en particulier nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement”. Dans son article 9, il est noté que toute personne a droit à l’information et d’exprimer et de diffuser ses opinions dans le cadre des lois et règlements.
En plus de ces arrestations le plus souvent préventives, il a été noté une perturbation d’internet dans le pays et une entrave à la liberté de la presse. Lors de la levée de l’immunité parlementaire de l’opposant Ousmane Sonko, les journalistes étaient parqués et interdits d’accès à l’hémicycle. Et lors des manifestations du mercredi 3 mars dernier, ils ont été contraints de quitter les théâtres d’opérations pour les parquer loin des évènements. Pire, il y a eu au moins deux blessés parmi les journalistes. Le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) a également menacé de couper le signal de certains médias d’informations privées pour une supposée « incitation à la violence ».
Tout cela démontre un recul démocratique et donne une image hideuse de la démocratie sénégalaise. AfricTivistes condamne vigoureusement cette situation et tient le Président Macky Sall et son gouvernement pour responsable de toutes ces dérives et des conséquences qui vont en découler.
AfricTivistes appelle au calme et demande au pouvoir judiciaire de se ressaisir et de gérer dans la responsabilité cette affaire de mœurs, source de toutes ces tensions alors qu’a priori elle devrait être une affaire civile entre deux citoyens sénégalais.
Nous dénonçons également toutes ces arrestations préventives pour une soi-disant prévention à des troubles publics. Ces arrestations préventives, des fois sous la coupe de délit d’intention, sont illégales et illégitimes et symbolisent aujourd’hui le recul démocratique constaté au Sénégal.
AfricTivistes alerte sur la circulation de « nervis » qui essayent de faire régner indûment l’ordre alors que c’est du ressort exclusif de la police et de la gendarmerie. Nous pensons que cela est un précédent dangereux pour le pays.
AfricTivistes appelle les autorités à mettre au plus vite hors d’état de nuire ces gros bras à la solde de la violence.
AfricTivistes invite les autorités à respecter le droit d’association, d’informer et d’accès à l’information des citoyens. Nous appelons les organisations soucieuses des libertés de presse à se mobiliser pour que le droit à une information plurielle inscrit dans la Constitution soit sauvegardé et respecté.
AfricTivistes réitère encore son appel au calme et à l’apaisement et reste solidaire du peuple sénégalais face à ces inquiétantes menaces sur les droits et acquis démocratiques.