Mort ce mercredi 3 juillet, à 101 ans, Roland Dumas, l’ancien ministre des Affaires étrangères sous la présidence de son ami, François Mitterand emporte dans sa tombe, bien des secrets de la Françafrique! Véritable boîte noire de cette époque où l’ancienne puissance colonisatrice gardait encore toute son influence, pour ne pas dire une mainmise forte sur ses anciennes colonies par le biais d’une coopération très déséquilibrée, l’ancien ténor du Barreau de Paris a davantage enlevé sa robe, qu’il ne l’a portée, pour défendre les intérêts de la France, notamment sur le continent noir. L’ancien chef de la diplomatie française était, comme le chantait l’artiste congolais Awilo Longomba, «le propriétaire de tous les dossiers» d’interventions françaises de cette période où il flirtait étroitement avec les régimes forts de l’Afrique.
C’est dans cette logique que les révélations de Roland Dumas sur l’assassinat, le 15 octobre 1987, du capitaine Thomas Sankara, le père de la révolution burkinabè et héros de tout un continent, auraient pu constituer une bombe dont les déflagrations auraient fait mal, et pas qu’à Ouagadougou, mais jusque sur les bords de la Seine. Bien que le dossier de la tuerie sanglante qui a emporté le «camarade capitaine» et 12 de ses compagnons, a finalement pu être jugé, et que Blaise Compaoré, celui à qui le crime a profité, a ramassé la perpète par contumace, jusqu’à présent, des zones d’ombre lourdes à couper au couteau demeurent! Notamment en ce qui concerne le rôle joué par la France dans ce sordide complot. S’il avait été Africain, le mort Dumas aurait été interrogé par les oracles!
Mais ce n’est pas qu’à Paris que Roland Dumas sera pleuré! Son ancien client, l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo qu’il a défendu en tant qu’avocat lui rendra bien hommage, tout comme l’aurait fait, s’il n’avait été tué comme un vulgaire voleur, un certain Mouammar Kadhafi, le guide libyen auprès de qui il fut, par ailleurs conseiller de François Mitterand. Mais avant de plaider la cause de ces dirigeants africains, Roland Dumas lui-même a été éclaboussé par le pétrole de ELF, une affaire dont les faits remontent au début des années 1990 et qui a secoué le microcosme politique français. Certes, à l’issue d’un second procès, celui qui a également été président du Conseil constitutionnel français, a été reconnu innocent, mais il a dû supporter l’opprobre de la double accusation de corruption et de complicité, dans cette affaire explosive qui a tenu longtemps en haleine les Français.
En tout cas, alors qu’elle est, plus que jamais vouée aux gémonies sous les tropiques par une génération d’Africains soucieux de changement profond dans les relations avec la France, la Françafrique perd, en Roland Dumas, un de ses derniers témoins qui aura fait ses beaux jours!
Par Wakat Séra