Dans cet article, Frédéric Lemaître, journaliste estime que la Malaisie a donné à Pékin un avertissement en rapport avec les termes de la collaboration entre les deux pays.
Le nouveau Premier ministre, Mahathir Mohamad, remet en cause trois investissements chinois d’une valeur de 22 milliards de dollars.
A 93 ans, Mahathir Mohamad, Premier ministre malaisien revenu au pouvoir le 6 mai, peut tout se permettre, ou presque. Il en a apporté la preuve mardi 21 août. Au terme d’une visite de cinq jours en Chine, ce vétéran de la politique, déjà Premier ministre de 1981 à 2003, a non seulement mis en garde Pékin contre « une nouvelle version du colonialisme », mais il a également annoncé l’annulation de trois projets d’infrastructures négociés par la Chine avec son prédécesseur. Tout d’abord une ligne de chemin de fer reliant Kuala Lumpur à la Thaïlande (dont la facture s’élevait à environ 20 milliards de dollars) et deux gazoducs (d’un montant de 2,3 milliards de dollars). « Cela nous ferait emprunter trop d’argent. Nous ne pouvons pas nous le permettre car nous ne pourrions pas rembourser. Et puis, nous n’avons pas besoin de ces projets pour maintenant », a précisé le patriarche.
Avertissement pour Pékin
« Mahathir ne veut pas rompre avec la Chine. Il sait que les deux économies sont intégrées et soutient d’ailleurs les projets en Malaisie de Jack Ma, le patron d’Alibaba [le géant de l’Internet chinois], explique Françoise Nicolas, spécialiste de l’Asie du Sud-Est à l’Institut français des relations internationales. Mais son prédécesseur, Najib Razak, s’était vraiment jeté dans la gueule du loup. Politiquement, économiquement et écologiquement, ces projets posaient problème. Les conditions de crédits accordées par la Chine étaient loin d’être favorables à la Malaisie et ce sont les entreprises chinoises qui tiraient profit des investissements, au détriment des entreprises locales, y compris celles qui appartiennent à des Malaisiens d’origine chinoise. »
Même si, à l’issue de la visite de Mahathir Muhamad, il est difficile de savoir si les projets controversés sont véritablement annulés ou vont être renégociés, le revirement de la Malaisie sonne comme un avertissement pour Pékin.
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Lancées à l’automne 2013, les « nouvelles routes de la soie » chinoises – un gigantesque projet d’infrastructures qui implique soixante-cinq pays et s’élève à environ 760 milliards d’euros – s’avèrent parfois comme un cadeau empoisonné pour les pays concernés. « La Thaïlande a récemment refusé les conditions financières de Pékin pour construire une ligne de chemin de fer, illustre Françoise Nicolas. Au Vietnam, la réticence vis-à-vis des Chinois est très forte ; au Pakistan, les investissements chinois sont colossaux, mais dans des zones où la situation est très tendue. Même au Laos, politiquement très proche de la Chine, il y a des discussions au sein du pouvoir sur les relations avec Pékin. »
Le projet des « routes de la soie » est toutefois assez imprécis pour que la Chine puisse le modifier sans perdre la face. Minimisant le revers subi, le président Xi Jinping s’est contenté de souhaiter que Pékin et Kuala Lumpur améliorent leur « communication stratégique ».