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La route du poisson au Mali: un tronçon d’intégration et d’échanges commerciaux

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Sur la route de Bankass dans le Nord du Mali Ph. Daouda ZONGO @wakatsera.com

L’axe Ghana-Ouagadougou-Ouahigouya-Frontière Burkina-Mali-Koro-Bankass-Ouo-Bandiagara-Mopti, dont la partie malienne est communément appelée « route du poisson », est depuis la période précoloniale, un tronçon d’intégration et d’échanges commerciaux et appartient au réseau prioritaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest  (CEDEAO).

Cet axe dont une partie constitue la route nationale n°15 au Mali (Ouo-Bankass-Koro-frontière du Burkina long de 159 km), a été tracé « il y a plus de 100 ans », selon le Premier ministre malien Abdoulaye Idrissa Maïga.

« Des générations avant nous ont imaginé le tracé de ce passage et nous aujourd’hui nous sommes résolus à en faire une route moderne digne de voie de désenclavement de la région en permettant, notamment, de relier le Mali au Burkina avec un gain de temps considérable », affirme le ministre Maïga, se réjouissant de la facilité avec laquelle les échanges commerciaux se feront désormais grâce au bitumage de la route.

Cet axe est appelé la « route du poisson » en ce sens que c’est une voie qui servait au transport du poisson de Mopti en passant par Bandiagara, Bankass, Koro (Mali), Ouahigouya, Ouagadougou jusqu’au pays de Nana Akufo-Addo, le Gold Coast actuel Ghana. Au retour les marchands maliens payaient du sel et des marchandises diverses pour les revendre une fois à destination.

Une route qui exprime toujours son rôle d’antan

Aujourd’hui encore, des commerçants et producteurs de produits maraichers de Ouahigouya (Nord burkinabè) empruntent le même trajet pour assister à la foire de Bankass et de Koro (Nord du Mali), selon le maire de la commune de Bankass Allaye Guindo, qui nous a accordé un entretien lors de notre passage dans sa localité, le 8 novembre 2017. « Cela nous permet d’avoir beaucoup de fruits, de produits maraichers et au retour ces personnes payent des céréales comme le mil et le haricot pour amener à Ouahigouya », se réjouit M. Guindo.

« Cette route représente beaucoup pour nous, économiquement, socialement et culturellement », selon le premier responsable de la commune de Diallassagou (Nord Mali) Amadou Guindo pour qui cela permet « le brassage entre le Burkina et le Mali où l’accès dans le temps était très difficile ». Diallassagou est une localité située dans le cercle de Bankass dans la région de Mopti (Nord Mali) à près de 400 km de Ouagadougou.

Pour le président de la Chambre de commerce du Burkina Mahamadi Sawadogo dit Kadhafi, cette route qui traverse une partie du territoire burkinabè et une partie du Mali, est aussi « capitale » pour les Burkinabè qui l’empruntent très souvent. Ressortissant de Ouahigouya, M. Sawadogo, par ailleurs, président de l’entreprise l’Africaine des Travaux Publics (ATP) a été l’un des acteurs qui ont fait le bitumage de la « route de poisson ».

« Très souvent nous partons à Koro et à Bankass pour vendre des produits maraichers que nous produisons à Ouahigouya », confie Seydou Sawadogo, un producteur dans cette localité du Burkina située à plus d’une quarantaine de kilomètre de Bankass au Mali. Ouahigouya, ville en plein développement est à 185 km de Ouagadougou. Elle possède des retenues d’eau qui favorisent le maraîchage (la culture des tomates, carottes, oignons et surtout les pommes de terre). Pour ce producteur, le bitumage de la « route du poisson » leur facilitera les échanges commerciaux avec leurs voisins du Mali.

Cette « route du poisson » a une importance stratégique régionale. Elle a été celle empruntée par les chars de l’armée malienne lors des conflits qui ont opposés le Burkina au Mail en 1974 et 1985 pour la paternité de la bande d’Agacher, longue de 160 km et large de 20 km, une zone riche en minerai. Cette voie qui a une densité de postes de police, était néanmoins empruntée par des trafiquants de contrebande.

La route un facteur d’intégration

Tronçon d’intégration et d’échanges commerciaux, la pratique de la « route du poisson » a connu un ralentissement dans ces dernières années du fait du conflit politico-militaire qui a éclaté en 2012 dans le Nord du Mali. L’insécurité qui y régnait a valu un arrêt de deux ans des travaux de bitumage de la voie lancés en 2010.

La route, aujourd’hui bitumée, garde toujours à ses côtés les stigmates de la crise politico-militaire. En effet, victime d’attaque dès le déclenchement de la crise, un poste de police malien situé à quelques encablures de la frontière burkinabè, présente encore les séquelles des fusillades.

Le conflit plus ou moins réglé, la pratique de la route reprend peu à peu et avec sa réhabilitation, elle pourrait être beaucoup plus fréquentée.

Pour le Premier ministre malien Abdoulaye Idrissa Maïga, la réalisation même du bitumage du tronçon Ouo-Bankassa-Koro frontière du Burkina est « une preuve d’intégration » car elle a été faite par un ensemble de structures du Burkina et du Mali. En effet, le bitumage a été confié à ATP de Mahamadi Sawadogo dit Khadafi dont la maîtrise d’ouvrage des travaux a été assurée par le ministère malien de l’Equipement, des Transports et du Désenclavement à travers la direction nationale des routes, le contrôle et surveillance des travaux ont été l’œuvre du bureau d’étude malien SOCOTEC.

Il s’agit d’une réalisation qui « va améliorer la sécurité routière et la fluidité du transport, développer les activités industrielles, agricoles et pastorales et renforcer l’intégration régionale et les échanges commerciaux », selon M. Maïga.

Par Daouda ZONGO