Ils ne se rencontreront pas à la 34e édition de la Coupe d’Afrique des Nations de football qui fait vibrer tout le continent noir depuis la Côte d’Ivoire. Ils ne vivront plus ensemble l’hospitalité exemplaire offerte par le peuple ivoirien, aux citoyens des 16 pays qui continuent la belle fête du football africain qui a commencé sur les bords de la lagune Ebrié, le 13 janvier et n’y prendra fin que le 11 février. Ils ne féliciteront pas ensemble le pays qui succèdera au Sénégal, à moins que les Lions de la Teranga, confortablement installés sur le toit de l’Afrique, consolident leur statut de champions en titre de l’Afrique. Ils, ce sont le Mali et l’Algérie, deux voisins que tout, ou presque tout, sépare désormais. Si les Fennecs d’Alger ont dû retourner prématurément à la maison, éliminés dès le premier tour de la CAN de l’hospitalité «Akwaba», les Aigles du Mali, eux planeront encore dans le ciel ivoirien où, ils croiseront, dès ce mardi 30 janvier, les crampons avec les Etalons du Burkina Faso, dans un face-à-face très attendu.
Ce 8e de finales sera joué au stade Amadou Gon Coulibaly de Korogho, dans un derby de pays partageant des frontières artificielles héritées de la colonisation, mais surtout des idéaux de la nouvelle Alliance des Etats du Sahel (AES) qu’ils forment avec le Niger. Ces trois pays sont tous en transition politique dirigée par des militaires qui y ont pris le pouvoir. Mais ils sont surtout confrontés aux attaques régulières de terroristes qui se sont enkystés dans cette partie du continent. Et c’est là qu’intervient l’autre séparation entre l’Algérie et le Mali, la junte au pouvoir à Bamako ayant décrété, ce jeudi, la «fin avec effet immédiat de l’Accord d’Alger». Ce mécanisme officiellement baptisé Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, a été signé le 15 mai et 20 juin 2015 dans la capitale malienne, suite à des négociations menées à Alger. Il a été mis en place entre l’Etat malien et les groupes djihadistes pour mettre fin à la guerre entre ce pays et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA).
Si à plusieurs reprises les ancêtres de l’Accord d’Alger, en l’occurrence ceux établis en 2013 à Ouagadougou au Burkina, puis à Kidal dans le nord-Mali, ont explosé, celui d’Alger a suscité un certain espoir de retour à la paix avant de commencer à vaciller. Avant d’être enterré par les autorités de la transition, l’Accord d’Alger a traversé bien des zones de turbulences, depuis un certain temps, notamment avec la prise du pouvoir par le colonel Assimi Goïta et ses hommes et les hostilités toujours entretenues par les groupes djihadistes qui n’ont pas cessé d’endeuiller les populations civiles et militaires maliennes. Et comme tous ces genres de documents dont la particularité est d’être faciles à signer mais difficiles à appliquer, l’Accord d’Alger vient de connaître ce sort, ou plutôt cette malédiction commune. Il ne pouvait en être autrement, les brouilles diplomatiques récentes ayant conduit le Mali et l’Algérie à procéder, en décembre 2023, au rappel des patrons de leurs ambassades respectives, pour «consultation», selon la formule diplomatique.
La tension était donc vive entre le Mali et l’Algérie, Bamako accusant sa voisine d’«actes inamicaux» et d’«ingérence» dans ses «affaires intérieures». Il ne faut, sans doute pas non plus oublier que les autorités maliennes ont désormais tourné le dos, sur plusieurs plans, à leurs partenaires traditionnels depuis leur idylle prononcée avec la Russie et leur sortie de certaines organisations régionales au profit de nouvelles relations au sein de l’AES. Les dernières attaques récurrentes des djihadistes, des combattants dont certains pensent qu’ils bénéficient de la bienveillance d’Alger, ne sont pas non plus à occulter.
Le divorce est-il désormais consommé entre la junte militaire malienne et Alger qui s’est toujours attribué un rôle important dans les processus de retour à la paix dans le Sahel et plus particulièrement chez le voisin malien? Quelles seront les conséquences d’une telle séparation? Le Mali qui serine sa souveraineté à qui veut l’entendre, et encouragé par la prise de Kidal dans la reconquête de son territoire, est-il maintenant sûr de venir à bout des mouvements rebelles, au point de les défier, eux et l’Algérie? En tout cas, l’Accord d’Alger semble être bien mort, par cet enterrement de première classe que lui offre la junte militaire au pouvoir à Bamako.
Par Wakat Séra