Alors que le bébé peinait déjà à se tenir debout, et s’essayait tant bien que mal à la marche, le voilà bien diminué! La force conjointe du G5 Sahel, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, vient d’être délestée de 600 soldats tchadiens rappelés par leur pays pour autre emploi. Officiellement, ils seront redéployés dans le nord du Tchad d’où, à en croire les autorités militaires, plusieurs colonnes envoient des velléités d’assaut sur la capitale, N’Djamena. En plus de cette situation délicate sur ses limites qui s’ouvrent sur la Lybie au Nord, d’où avaient démarré la dernière rébellion en avril dernier, combats au cours desquels le Maréchal Idriss Deby Itno aurait trouvé la mort, le Tchad surveille comme du lait sur le feu, sa frontière avec la Centrafrique.
Du reste, le gouvernement tchadien a accusé, récemment, les soldats centrafricains, qu’il a affirmé, appuyés par des paramilitaires russes, tous «lourdement armés», d’avoir franchi cette frontière, pour attaquer le poste avancé de Sourou au Tchad, où ils auraient tué six éléments de l’armée tchadienne. La disparition tragique de Idriss Deby Itno, le «président guerrier», n’a pas non plus manqué de rendre le Tchad un peu affaibli en matière de défense de son territoire. Quoi donc de plus normal que le pays procède au rappel des troupes, pour faire face à tous ces défis sécuritaires qui s’imposent désormais à lui!
Mais, sans être négligeables, ces facteurs d’insécurité nationale qui ont conduit le Tchad à ramener à la maison, 600 des 1200 soldats que l’ancien président Idriss Deby Itno avait injectés dans la lutte contre le terrorisme dans la zone dite des Trois Frontières que partagent, le Mali, le Burkina Faso et le Niger, ne seraient que la face visible de l’iceberg. Car, en réalité, l’intendance constitue désormais un casse-tête dans la gestion de ces soldats dont l’envoi fut une démarche en solo de l’ancien chef de l’Etat tchadien, alors sur le point d’accéder à la présidence du G5 Sahel. Les promesses pour soutenir ces efforts supplémentaires du Tchad dans la lutte anti-terroriste n’ayant pas été tenues par ses partenaires, le pays, déjà confronté à des défis sécuritaires à ses frontières, ne pouvait donc se permettre d’abandonner ses soldats dans le besoin. L’argent, dit-on, est le nerf de la guerre.
Depuis quand ce retrait, maintenant rendu public, a-t-il débuté? Une interrogation qui vaut son pesant d’or, avec la résurgence des attaques armées de ces derniers mois, qui ont endeuillé en masse, les pays sahéliens partageant cette zone des Trois Frontières. Par plusieurs dizaines, des soldats et civils sont tombés, lors des assauts meurtriers des terroristes et bandits de grands chemins, déjà comme dopés, par l’annonce du départ de la force Barkhane du Sahel. La situation sécuritaire ira, sans doute, de mal en pire avec ce double délestage des forces, surtout que les militaires tchadiens sont cités parmi les plus endurants dans ce Sahel où djihadistes, bandits, trafiquants de tout acabit et hommes armés non identifiés, ont déposé leurs pénates et y massacrent des populations sans défense.
Si l’exil forcé est devenu la seule alternative pour les habitants de ces villes et villages martyres, la vie chère s’installe de plus en plus, aggravant l’état de pauvreté endémique de ses pays sahéliens qui ne savent plus à quel saint protecteur se vouer. Il urge donc pour le G5 Sahel et toutes ces armées nationales engagées dans la lutte contre le terrorisme de réactualiser leur logiciel de stratégies, par rapport à ces nouvelles donnes, que sont le retrait des 600 soldats tchadiens de la zone des Trois Frontières et le départ annoncé de la Force française Barkhane. C’est plus que jamais, l’occasion pour chaque pays de penser sérieusement à assumer la défense de son territoire et de ses populations, domaine éminemment de souveraineté nationale.
Par Wakat Séra