Alors que la planète célèbre cette année le 10e anniversaire du Plan d’action sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité, la grande majorité des meurtres de journalistes reste impunie dans le monde, a regretté le mercredi 2 novembre l’Agence de l’ONU chargée de la culture, de l’éducation et de la science (UNESCO). Dans cet écrit, l’ONU, à l’occasion de la date du 2 novembre consacrée chaque année à la fin de l’impunité contre les journalistes dans le monde, dresse une vue panoramique sur la question.
Selon l’UNESCO, les meurtres de journalistes dans le monde restent encore impunis dans la très grande majorité des cas. En 2022, le taux d’impunité dans le monde a été de 86%, contre 89% en 2018.
Sur les dix dernières années, cela représente toutefois une baisse de 9 points. Bien qu’elle reste à un niveau inacceptable, l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes a continuellement diminué, de 3% au total depuis 2018, première année de la précédente biennale.
Mais selon l’UNESCO, cette baisse n’en reste pas moins « très insuffisante pour enrayer la spirale de la violence ».
2022 reste déjà l’année la plus meurtrière depuis 2018
L’UNESCO continue donc d’observer une tendance à la hausse des cas résolus dans le monde, passant de 11% en 2018 à 14% en 2022.
« Il est tout aussi choquant de constater que, même si nous avons observé une légère amélioration depuis 10 ans, près de neuf meurtres de journalistes sur 10 ne sont pas élucidés », a déclaré dans un communiqué, Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO, à l’occasion de la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes.
« En dépit de ces efforts, les meurtres de journalistes se poursuivent à un rythme alarmant », a-t-elle ajouté. Sur la période 2020-2021, 117 journalistes ont été tués du fait de leur emploi, soit le chiffre le plus faible depuis la première publication en 2008 de ce rapport par l’UNESCO.
Ces deux années ont connu le plus faible nombre de décès de toutes les périodes de référence depuis la première publication de ce rapport en 2008. L’année 2021 affiche d’ailleurs le nombre de décès annuels le plus bas depuis 14 ans, avec 55 assassinats.
Selon l’Observatoire de l’UNESCO, depuis 2012, 955 journalistes ont perdu la vie. 74 personnes ont été tuées depuis janvier, faisant déjà de 2022 l’année la plus meurtrière depuis 2018.
Le plus grand nombre de meurtres dans les Amériques et en Asie-Pacifique
Sur les deux années passées, les régions les plus meurtrières pour les journalistes ont été l’Amérique latine et les Caraïbes (38%), et dans l’Asie-Pacifique (32%).
En outre, la part des femmes parmi les journalistes tués a presque doublé en 2021, passant à 11% contre 6% l’année précédente.
Par ailleurs, l’UNESCO pointe le fait qu’il n’y a pas de lieu sûr pour les journalistes. En effet, seuls 36% des journalistes ont été tués dans des pays en proie à des conflits armés en 2021, alors que 64% des meurtres de journalistes se sont produits dans des pays n’étant pas confrontés à ce type de conflit.
Le rapport note en revanche une hausse sensible du nombre de journalistes tués lors d’émeutes ou de manifestations : six pour la période 2020-2021 contre trois pour la période 2016-2017.
D’une manière générale, la plupart des meurtres ont eu lieu en dehors de leurs salles de rédaction. Sur les 117 tués en 2020-2021, 91 d’entre eux (soit presque huit sur dix) l’ont été en dehors des heures de travail, à leur domicile, dans leur véhicule ou dans la rue par exemple, et non dans le cadre d’une mission spécifique.
Piliers de la vie démocratique
Certains journalistes ont été kidnappés pour être ensuite retrouvés morts. Plusieurs ont été tués devant des membres de leur famille, y compris leurs enfants.
« La sécurité des journalistes, leur liberté d’expression et la libre circulation de l’information sont en effet des piliers de la vie démocratique ainsi qu’une condition préalable à l’exercice de tous les droits de l’homme. C’est pourquoi, en 2012, la communauté internationale a approuvé ce Plan d’action dans l’objectif de protéger les journalistes, ainsi que de prévenir les crimes à leur encontre et de poursuivre leurs auteurs », a fait valoir Mme Azoulay.
Face à ce constat, l’UNESCO réitère son engagement à prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter l’impunité sur les crimes commis contre les journalistes. « C’est pourquoi, en cet anniversaire, nous devons renouveler notre engagement à protéger les journalistes partout, à chaque instant », a insisté la cheffe de l’UNESCO, relevant qu’en étant « complaisant, en détournant le regard, la communauté internationale participe ainsi au problème ».
Dans son message pour la Journée, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a, de son côté, insisté sur le fait qu’« une presse libre est indispensable à la vie des démocraties : elle dévoile les méfaits, aide à comprendre la complexité du monde et contribue à la réalisation des Objectifs de développement durable ».
« J’invite les États et la communauté internationale à prendre les mesures nécessaires pour protéger les journalistes. Nous devons mettre fin à cette culture de l’impunité présente partout et laisser les journalistes faire le travail essentiel qui est le leur », a-t-il déclaré.
Le chef de l’ONU a appelé à saisir cette occasion pour rendre hommage aux professionnels des médias et défendre la liberté, la justice et les droits humains pour toutes et tous.
Source : ONU