Les Houphouëtistes rassemblés comme RHDP autour du Président Ouattara sont, assurément, un agrégat de diversités libérales, de sensibilités politiques. Exactement c’est le cas au sein des Houphouëtistes du PDCI-RDA autour du Président Bédié. Les points d’attraction charismatique de ces deux partis rivaux au pouvoir comme Houphouëtistes et dans l’opposition comme Houphouëtistes, sont donc connus et incarnés. L’oubli de la fraternité a besoin, lui aussi, d’être incarné par la rivalité, hélas. A l’orée de l’élection présidentielle de 2020, il est important de revisiter les forces et les vulnérabilités structurelles de cette famille politique bifide qui aura fort à faire pour obtenir trois mandats majoritaires consécutifs. La moue politique ouest-africaine contredit cette ambition jusqu’à date. Mais entendu que le leadership du Président Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié a transformé cette famille politique en dyarchie irrécusable, ils sont et demeurent le point nodal de leur machine politique disjointe. En attendant le Rassembleur, le fils ou la fille prodige du Père de la Côte d’Ivoire moderne.
Autour des deux grands chefs en bisbilles, chaque écurie présidentielle comprend tant de rivalités présidentielles, affirmées ou en embuscade qu’il est évident de constater que le RHDP et le PDCI-RDA sont bel et bien deux multiples inconsistants et handicapant la paix houphouëtiste. Le multiple inconsistant, cet identifié du philosophe Alain Badiou est, selon ma lectures, le désarçonnement de l’unité d’action par les forces centripètes auto-référencées. C’est donc tout le contraire de ce que les Anglo-saxons nomment, le Mainstream comme le Soroïsme l’est sur la scène politique ivoirienne. Je fais ici l’hypothèse du dépôt et de la recevabilité de la candidature du Président Alassane Ouattara pour 2020, suivant son Discours du 29 novembre 2020 à Katiola. Puisque, simplement, toute bifurcation argumentant est une clarification en puissance. Ce discours présidentiel est donc univoque au-delà de l’équivoque. Il s’est adjugé le disjonctif de la génération des collaborateurs et opposants de feu le Président Houphouët-Boigny comme modalité raisonnante. Ou bien le Nous pas bougés que chante le grand Salif Kéïta, ou bien nous on part, ce disjonctif est ainsi assez stressant pour le pays et l’Afrique de l’Ouest. Ce dilemme du faux départ vs départ définitif. A Ouagadougou, ce spectacle Impérial met en scène chaque jeudi le Moro Naaba. Le mimétisme politique n’assure pas la paix ouverte des braves lors même que le pacte avec le diable en 2010 (le juge constitutionnel Yao N’Dré l’a exhibé comme preuve) a arraché à la paix houphouëtiste plus de trois mille vies. Pour ces deux générations politiques ivoirienne et burkinabè sortantes, Partir devrait être la gratitude envers le bon Peuple africain. Ma conviction.
Parce que, précisément, partir du pouvoir, comme le grand Madiba nous l’a enseigné, c’est aussi diriger comme sagesse et engagement citoyen. Partir en actant par exemple, le droit de grâce comme complément de l’amnistie de 2018 qui a offert la liberté à Madame Simone Gbagbo et à d’autres. Et ainsi, taire toutes les réticences, controverses et polémiques, c’est magnifique. Le Président Jimmy Carter a accordé l’amnistie aux objecteurs de conscience de la guerre du Vietnam. Lorsqu’une Nation vit le désenchantement, vit la division de ses enfants, constate les heurts contre sa conscience citoyenne comme le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire le sont en ce moment, il sied la lucidité qui acte le recours à la bienveillance fraternelle (faire le bon) là où le bon droit, dire rien que le droit apparaît comme la mécanique rigide pour incarner l’intransigeance cassante. La peine des crimes commis vaut, exceptionnellement, la peine dissociée de l’ampleur des infractions relevées pour accueillir la paix fraternelle. La raison en est évidente. La droiture à une décision de justice n’articule pas nécessairement sur le respect du droit comme évènement. C’est alors que le conciliant entre le droit et la paix reste la réconciliation-réparation. C’est ce que la sagesse ancestrale africaine nous dicte comme justice réparatrice que les Occidentaux posent comme justice transitionnelle. Faire coïncider le respect du droit et la droiture à la décision judiciaire impose le recours au pouvoir exceptionnel comme le privilège exécutif républicain l’atteste dans une République.
Le Burkina Faso et sa sœur bien aimée, la République de Côte d’Ivoire doivent se saisir de ce destin de paix qui leur fait signe. Plus les chances d’absolution au nom de la cohésion sociale et de la concorde nationale croissent plus les bellicistes et les béotiens de la plate partisannerie politique, décroissent. Le rendez-vous électoral décisif de 2020 dans ces deux pays impose donc qu’on désarçonne le polemos et qu’on parte ou laisse partir ce dérisoire dit rivalité.
Le choix libre de partir n’est donc pas un choix cornélien pour les grands chefs de cette génération ivoirienne, pas plus qu’il ne l’est pour les dirigeants tardifs de la Génération Sankara-Compaoré au pouvoir depuis 1982 au Burkina Faso. Des deux côtés de la Léraba, chacun de ces chefs dispose d’un bilan que les Historiens apprécieront. Je prétends que les animateurs politiques de ces deux générations sortantes de part et d’autre, ne soutireront rien de la prolongation des algarades politiciennes surtout adossées sur des motifs et griefs frappés du sceau de la résilience des acrimonies interpersonnelles. Le bon droit d’être candidat n’est donc pas, en l’espèce, la bonne rectitude morale. Partir est alors une paix-ouverture vers un autre ailleurs. Rester par raisonnement juridique ou générationnel ou être candidat par le bon droit restaure le quiproquo. La paix houphouêtiste restaure l’espoir que les Africains sont en droit d’attendre de leurs dirigeants. 2020 est ce cap !
Le bien commun et sa sauvegarde regardent l’avenir et régulent l’horizon d’attentes des jeunes et des femmes, des futures générations. La fulgurance politique est, il me semble, d’abord un sacerdoce. De ce point de vue, elle est un vrai Game Changer pour engager et régler l’horloge nationale.
Dans le cas ivoirien houphouëtiste affadi, l’hypothèse du ou des dépôts de candidatures de l’un des deux Président Ouattara et Bédié, par exemple seraient déposées en réplique ou en invitation de celle du frère rival. Il faut rompre ce cycle confligène d’ici et celui de là-bas qui oppose, les insurgés sankaristes et néo-antimpéralistes du Président Kaboré et les blaisistes de retour avec le Président Compaoré. Puisque le bien commun et l’intérêt national respectifs ivoirien et burkinabè commandent et recommandent autre chose. Et au surplus, Perpétuer le fait qu’un seul des deux des deux côtés de la Léraba tient la barre et le stylo national n’ajoute qu’aux assignations bellicistes perpétuelles. Ces personnalités doivent réaliser qu’il y a une maturation politique africaine qui veut fermer la parenthèse des bellicismes politiques et interpersonnels perpétuels, simplement par lassitude morale et le refus des égos. Vrai puisque leur intuitu personae prend le dessus sur la nécessité du moment politique africain qui est cette montée en puissance des générations dites conscientes. Par exemple, en Côte d’Ivoire, on a ce Mainstream Zouglou, Fesci, société civile grouillante de talents et cette masse de jeunes travailleurs pauvres, de grappes de gens étouffés par la civilisation matérielle ou économie informelle. Ces gens existent et ils ont des droits. Ils forment des majorités sociologiques qui sont totalement post-Houphouëtistes. Et leurs intersections riment avec Soroïsme comme solidarité, soin et réconfort des plus vulnérables de la société, la prospérité partagée qui commande l’ économie marchande et le refus du néolibéralisme de confiscation des richesses par les oligarchies politiques constituées. Persister égale choc !
Cette génération post-houphouëtiste qui en a assez des deux types d’houphouêtismes que j’ai décrits ailleurs comme l’Houphouëtisme affadi (de pouvoir et d’opposition) croit en l’état de droit, l’égalité citoyenne devant la règle de droit, promeut le panafricanisme de dignité et s’engage pour l’égalité des chances par l’école publique de qualité comme frein aux inégalités. Et bien sûr, l’accès de tous comme talents, compétences et singularités à la vie matérielle décente, voilà l’agenda africain. Les générations solidaires ont une ambition. Elle est de refaire le contrat social ivoirien dans l’Etat de droit. Elle tient le gouvernail des réformes et du Gouverner Autrement. Cette ambition est intergénérationnelle comme partage, vivre fraternel et aider à vivre convivial. Si elle est incarnée par le Président Guillaume Soro Kigbafori, c’est précisément parce qu’il en assure le leadership de coalition et ce depuis déjà 1995, lui qui a été consacré l’homme de l’année. Ce leadership est donc la confiance renouvelée qui se déploie comme leadership de rassemblement.
Cet horizon d’attentes des Solidaires ivoiriens est cette ambition. Elle tient donc le gouvernail collectivement non plus comme Ulysse. Gouverner autrement la Côte d’Ivoire, refaire la démocratie participative, restaurer pleinement l’état de droit démocratique et incarner l’état impartial et exemplaire, c’est bien une ambition de générations solidaires et averties. Pas l’ambition d’un seul. Surtout pas celle d’un seul parmi Toujours les mêmes pour un nième rafistolage social comme Pierre Rosanvallon dirait!
L’Editorial de Mamadou Djibo Baanè-Badikiranè