Les urnes béninoises ont commencé à parler après des élections législatives qui, sans avoir tenu toutes ses promesses pour l’opposition, lui a tout de même permis de revenir au sein d’un hémicycle dont elle a été tenue éloignée lors de la dernière législature. Le verdict livré par la Commission électorale nationale autonome (Céna) n’est que provisoire mais dessine assez nettement la prochaine configuration de l’Assemblée nationale béninoise qui s’ajoute une deuxième couleur après une saison monocolore de cinq ans.
Une victoire de l’opposition qui porte la signature de «Les Démocrates» (LD), le parti politique de Yayi Boni, le prédécesseur de Patrice Talon. Pour son premier test électoral depuis sa création, ce sont 28 sièges que LD fait rentrer dans son escarcelle, grâce à une percée notamment dans la capitale économique, Cotonou. C’est connu, l’électorat des grandes villes, singulièrement des capitales, vote rarement pour les pouvoirs en place qui, par tous les moyens, y compris les moins «catholiques», font le plein dans les localités à l’intérieur. Avant la vague des contestations qui changeront peu ou prou les chiffres de la Céna, et au finish de la Cour constitutionnelle, la majorité présidentielle savoure son large succès qui lui fait engranger 81 élus sur les 109 sièges à pourvoir.
Certes, la prouesse de l’opposition bien que décapitée par l’exil forcé de l’homme d’affaires Sébastien Ajavon et l’incarcération de l’ancienne garde des sceaux Reckia Madougou et du constitutionnaliste Joël Aïvo, mérite d’être saluée à sa juste valeur ne serait-ce que pour la beauté du jeu démocratique. Reste tout de même que l’on s’interroge: quelle est la portée de cette conquête de l’opposition? L’interrogation vaut son pesant d’or d’autant que le pouvoir conserve une majorité presqu’écrasante au parlement. Ce qui n’est pas peu dire, car, la voix des opposants risque d’être étouffée par la marée favorable au parti au pouvoir.
Sans oublier que la transhumance politique, ce sport bien maîtrisé par les politiciens sous les tropiques et à laquelle peu d’entre eux résistent victorieusement, peu renforcer davantage la victoire déjà importante des partisans de Patrice Talon. Peu importe que l’on se trouve en pays démocratique ou pas, la question du nomadisme politique est un fléau qui cause des ravages sur le continent africain et plombe sérieusement l’opposition dans son élan. Le Bénin a beau agiter un label de démocratie confirmée, cette pratique malsaine y a, plus que jamais, la peau dure. Elle sera encore plus ostensible lors de certaines étapes décisives de cette législature qui conduira le pays à la prochaine présidentielle, à laquelle ne devrait pas pouvoir prendre part Patrice Talon.
La grande leçon à tirer déjà de ces législatives est le faible taux de participation qui en a résulté. Si les opposants sevrés de débats au parlement pendant cinq années étaient heureux de prendre part à ce scrutin du 8 janvier qui s’est déroulé partout sur le territoire national sans incident majeur, selon la formule chère aux observateurs locaux et étrangers, les électeurs par contre ont manifesté peu d’engouement pour le vote. Si le dimanche au Bénin est jour des cultes religieux et des fêtes sur les belles plages de Cotonou ou de Ouidah, la tradition a visiblement été respectée. De nombreux Béninois ont boudé les urnes pour plusieurs raisons dont, probablement, la désaffection de plus en plus visible de la jeunesse pour la chose politique. Les jeunes qui, pour la plupart, se cherchent, pris entre le chômage et les promesses jamais réalisées des hommes politiques, préfèrent diriger leurs énergies vers les petits boulots qui leur permettent de trouver la pitance du jour, un pain quotidien qui n’est pas la chose la plus aisée à trouver de nos jours au Bénin.
En attendant les recours qui ne manqueront certainement pas, les regards des Béninois sont tournés vers la Cour constitutionnelle qui livrera le verdict final des législatives du 8 janvier. Des joutes électorales peu animées, marquées tout de même du sceau du retour historique de l’opposition au parlement. Et ça c’est pas rien!
Par Wakat Séra