Les 79 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ont célébré vendredi 02 juin à Bruxelles, les 42 ans de leur regroupement. Cet anniversaire a été marqué par une conférence animée autour du thème: «Le partenariat au développement ACP-UE : une expérience multidimensionnelle et transformative».
Deux panels ont été organisés dans la salle de réunion du secrétariat général des ACP à Bruxelles lors de cette célébration. Le premier placé sous le thème : «Migration, mobilité, paix et sécurité» a été animé par la chef du «Programme migration» au Centre européen de gestion des politiques de développement (ECDPM) Mme Anna Knoll et le directeur de l’Institut of Pan-african Thought and conversation de l’Université de Johannesburg en Afrique du Sud, Pr Adekeye Adebajo.
Le second panel: «Commerce, investissement et le Groupe ACP : dimension mondiale, régionale et continentale» a été animé par les ambassadeurs du Botswana Samuel Ontlule, le directeur de Ramphal institute au King’s College à Londres, l’ambassadeur Edwin Laurent et le secrétaire général des ACP lui-même, Dr Patrick Gomes. Les participants constitués essentiellement de diplomates accrédités à Bruxelles ont largement débattu souvent dans des propos tranchant avec leur langage ésotérique habituel.
Le directeur général adjoint de la Direction internationale et développement international (DG DEVCO) de l’UE, l’organe chargé de l’aide et de l’élaboration des politiques européennes en matière de développement et de coopération internationale M. Klaus Rudischhauser a assisté aux discussions.
Le secrétariat général des ACP qui a piloté les activités de ce anniversaire en a également profité pour lancer un livre sur les ACP intitulé : «Le partenariat au développement entre le Groupe ACP et l’UE : Au-delà du débat Nord-Sud». Ce livre collectif que l’on trouve pour l’instant sur le site de vente en ligne «Amazon» a été l’œuvre de plusieurs chercheurs et diplomates ACP et européens. Il dresse le bilan des 42 ans de partenariat entre les ACP et l’Union européenne mais aussi les perspectives qui s’offrent aux deux organisations intergouvernementales.
Dans leurs présentations, la plupart des panélistes ont salué la création du Groupe des Etats ACP qui a été fondé le 6 juin 1975 à Georgetown en Guyane. Certains plus critiques, comme le professeur Adebajo y a vu une œuvre de certaines puissances coloniales qui souhaitaient alors conserver des relations particulières avec leurs anciennes colonies. Il a déploré les interventions militaires européennes en Afrique dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité estimant que ces opérations ont abouti à des résultats mitigés, la paix n’ayant jamais pu s’installer avant ou après le départ des soldats européens.
Le bilan des ACP
42 ans après la création du Groupe des Etats ACP, certains pays membres ont su tirer profit de leurs relations privilégiés avec l’UE et ont véritablement amorcé des bonds spectaculaires en matière de développement des infrastructures sociales et économiques. Parmi eux, il y en a qui peuvent frapper légitiment à la porte du G20, car ayant désormais une économie à revenu intermédiaire. Ces ACP ont su profiter des appuis techniques et financiers de l’UE. Dans ces pays, les droits de l’homme, la pratique de la bonne gouvernance, l’Etat de droit et la démocratie ont fait des progrès notables.
A côté, on recrute aussi au sein des ACP –abondamment d’ailleurs- les pays les moins avancés souvent en proie à des conflits et à des déficits démocratiques.
Autre insuffisance, le manque de cohésion. Même si les principes d’unité et de solidarité sont les valeurs défendues dans les ACP, il reste que la coopération intra ACP est encore limitée, affirment les communicateurs. En effet, l’intégration intra et interrégionale est une arlésienne et la coopération politique, économique, commerciale reste un enjeu énorme.
Au cours de ces dernières années, les cycles de négociations des Accords de partenariat économique (APE) entre l’UE et les six régions ACP ont créé des rivalités intra et inter régionales et mis à mal la cohésion et la solidarité du Groupe.
Tirant leçon des 42 ans de partenariat avec l’Union européenne, les ACP comptent négocier les Accords de Cotonou qui arrivent à expiration en 2020 dans un autre état d’esprit.
Cette fois, les ACP veulent être une organisation intergouvernementale plus forte, capable de peser sur la scène mondiale comme ils l’ont démontré lors des négociations des cycles de Doha sur le commerce mondial ou à l’occasion des discussions sur le climat à Paris.
Les ambassadeurs des pays ACP en poste à Bruxelles affinent depuis plusieurs mois leurs stratégies de négociations. Ils estiment que les futurs accords UE-ACP doivent mettent fin à toute discrimination fondée sur la situation économique des parties. Ils veulent la sauvegarde et la cohésion de leur Groupe après les expériences malheureuses relevées pendant les négociations sur les APE. Les ACP entendent désormais négocier un Accord post 2020 basé sur des dispositions commerciales préférentielles axées davantage sur le développement.
Romaric HIEN
Ambassade du Burkina Faso à Bruxelles
Encadré
Petit rappel sur les ACP
Signé le 6 juin 1975, les Accords de partenariat entre les membres du groupe des Etats d’Afrique subsaharienne, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres devenue UE, d’autre part ont connu plusieurs cycles de négociations. Il y a eu les Accords de Lomé 1, 2, 3 et 4. Celui-là signé en 2015. Le dernier, appelé Accord de Cotonou actuellement en vigueur a été signé dans la capitale béninoise le 23 juin 2000 pour une période de 20 ans à compter du 1er mars 2000. Cet accord a été révisé au Luxembourg le 25 juin 2005 puis à Ouagadougou le 22 juin 2010. Le texte prévoit que «dix-huit mois avant l’expiration du présent accord, les parties entament des négociations en vue d’examiner les dispositions qui régiront ultérieurement leurs relations».
Les deux parties ont prévu de lancer le18 septembre 2018, les négociations pour l’accord post 2020.
Pour ce nouveau cycle, les ACP ont adopté une stratégie. Ils ont décidé de demeurer uni et de négocier avec l’UE en tant qu’entité unifiée et transrégionale, une organisation intergouvernementale composée de 79 Etats membres provenant d’Afrique subsaharienne (48), des Caraïbes (16) et du Pacifique (15). Ils admettent et réclament l’intégration de l’Afrique du nord comme septième région au sein du groupe. Actuellement, les ACP sont constitués de six régions. Il s’agit des quatre régions de l’Afrique : l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique centrale, l’Afrique de l’Est, l’Afrique australe, des Caraïbes et le Pacifique.
Alors que l’UE souhaite un cadre de négociation éclaté avec ces différentes régions dont l’Afrique du nord, les ACP insistent pour le maintien d’un cadre de négociation unique pour sauvegarder la cohérence et la solidarité du partenariat. Ils estiment qu’un accord post-2020 avec l’UE doit conserver le caractère géographique et géopolitique du Groupe ACP.
Les ACP insistent par ailleurs pour que les négociations UE-ACP pour l’après 2020 débouchent sur un accord juridiquement contraignant pour garantir l’efficacité et la coopération au développement.
En attendant septembre 2018, les batailles diplomatiques vont bon train.
RH
Ambassade du Burkina Faso à Bruxelles
Les diplomates d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique à Bruxelles ont fait le diagnostic depuis la création de leur groupe et souhaitent donner une nouvelle vision aux ACP après 2020.
Le Burkina Faso pour qui l’UE demeure un partenaire clef, prend activement part à travers sa représentante permanente, Mme l’ambassadeur Jacqueline Marie Zaba/Nikiéma aux débats serrés sur le futur des relations UE-ACP post Cotonou.