Le Togo dispose de parcs naturels tels que le parc national Kéran et le parc du Fazao. Bien que protégé, le parc Fazao souffre des méfaits des braconniers. Les espèces protégées sont chassées. Ce qui du coup engendre le trafic illicite des espèces végétales et animales menacées comme l’éléphant, le serpentaire, la tourterelle des bois entre autres. Les trafiquants, grâce à la corruption arrivent à passer par les mailles du filet.
Selon les responsables du parc, presque toutes les espèces du site sont menacées d’extinction, notamment les babouins, cobes, éléphants, serpentaires, buffles, lions, panthères, hyènes, chacals, renards, phacochères, antilopes, porc-épic, pangolins géants et quelques 200 espèces d’oiseaux.
Ils ajoutent que les efforts consentis pour protéger les espèces ne diminuent pas l’ardeur des trafiquants, en connivence avec certaines autorités s’activent dans le braconnage et la vente des espèces tuées ou capturées vivants. « Le Ministère de l’Environnement et des Ressources Forestières (MERF), a repris en 2016, la gestion de ce parc de 192 000 hectares après la fin du contrat de la Fondation Weber, mais ne maîtrise pas les questions liées au suivi de la faune et de la flore du parc, ou encore des problématiques de braconnage, ou d’autres activités illégales », explique un des responsables du parc Fazao Malfakassa.
A part le trafic des espèces protégées, l’on assiste également à une exploitation illégale de bois dans le parc. « Nous n’avons pas d’effectifs suffisants et nous manquons aussi de matériels pour bien travailler. Le nombre des éco-gardes, qui sont les jeunes des villages environnants du parc est insuffisant. On n’a pas de menottes en nombre suffisant et lorsqu’on arrête des braconniers, on les attache avec une corde », a déclaré le conservateur du parc, Komi Gbémou.
La protection de la faune ne vise pas seulement la préservation des espèces animales. Elle contribue à la biodiversité et à l’équilibre de l’écosystème. Les populations riveraines du parc Fazao Malfakassa, en sont conscientes. Les jeunes sont organisés en éco-gardes volontaires. Ils surveillent à tour de rôle le parc avec les moyens du bord. « On n’a pas de fusils. Même pour payer le carburant pour nos engins, c’est avec nos propres moyens financiers », a déclaré un jeune éco-garde.
Il ajoute que de janvier à août 2018, sur 102 éléphants du parc, une dizaine de mammifères sauvages dont un éléphanteau et au moins 11 oiseaux migrateurs ont été abattus dans les secteurs sud et centre du Parc. « On fait tout pour surveiller, mais les braconniers tentent toujours de tuer les espèces protégées. On pense même que les agents de l’Etat soutiennent les braconniers, mais ils démentent toute implication de leurs éléments dans ces abattages des animaux. D’après eux, les militaires déployés dans ce secteur participent plutôt activement dans les opérations de lutte contre le braconnage. Plusieurs hommes armés circulent sans être contrôlés dans cette zone », précise l’éco-garde.
Les braconniers traquent les espèces sauvages, profitant du nombre insuffisant des éco-gardes. Les grands mammifères dont les éléphants du parc sont des cibles de choix, et leur chasse est facilité par la corruption : « Un notable proche de la réserve le confirme : « La corruption constitue un obstacle majeur à l’application des lois ».
Les braconniers sont des acteurs locaux et étrangers qui vendent la viande des espèces menacées du parc à des individus et à des restaurants dans les localités environnantes. Les produits de chasse comme l’ivoire, les peaux et même les dents sont vendues par la suite à des trafiquants, qui s’occupent de leur commercialisation illicite à travers des réseaux de trafiquants plus importants. En réalité, le braconnage est encouragé par les trafiquants, qui fournissent aux braconniers armes, munitions et outils pour la chasse. Le braconnage est la partie émergée de l’iceberg, alors que le manque d’intérêt flagrant pour la partie immergée, soit les trafiquants, permet aux braconniers de continuer à prospérer. Il est en effet plus facile de remplacer un braconnier qu’un trafiquant, et trop souvent, seuls les braconniers sont arrêtés.
« Ce trafic met en danger la survie d’espèces menacées dont certains sont chassées pour leur peau ou leurs cornes, d’autres pour servir d’animaux de compagnie. Ce qui fragilise les populations d’espèces menacées déjà en déclin, comme les éléphants et les babouins », précise encore le notable.
Le nouveau code pénal dans son volet environnement renforce la protection de la faune et la flore. Citons au passage l’article 761 de ce code qui dispose: « La destruction et la commercialisation, directe ou indirecte, sans droit d’espèces animales ou végétales protégées en vertu des dispositions législatives et réglementaires en vigueur et des conventions internationales auxquelles la République du Togo est partie est punie d’une peine d’un à cinq ans d’emprisonnement et d’une amende d’un million à cinquante millions sans préjudice de toute autre disposition du présent code ». Les braconniers et les trafiquants qui privent les Togolais de leur héritage en tuant les animaux protégés s’exposent ainsi à de lourdes peines pour leurs méfaits. (EAGLE-Togo)
Nicolas Koffigan