Plus la Tabaski approche, plus les inquiétudes enflaient, non seulement au Mali dont l’économie repose essentiellement sur les secteurs agropastoral et minier, la menace sécuritaire ayant, depuis un bout de temps, mis à genoux le tourisme, mais aussi dans les pays voisins.
Comment fêter la Tabaski sans les moutons nourris de l’herbe grasse des berges du Djoliba? La question se posait davantage au Sénégal et en Côte d’Ivoire où le bétail malien est très prisé. Certes des commerçants bien rusés arrivaient à passer entre les barrières pas totalement baissées des frontières…fermées, mais cette offre était loin de pouvoir satisfaire la demande trop forte sur les bords de la lagune Ebrié et au pays de la Teranga! De plus, les éleveurs maliens avaient besoin de cette rentrée de fonds pour redonner des couleurs à leur quotidien anémié par la double menace sécuritaire du fait des attaques terroristes et sanitaire Covid-19 oblige!
Ainsi, de Bamako à Abidjan, en passant par Dakar, ce dimanche 3, qui a vu la fumée blanche sortir de la cheminée d’Accra, consacrant ainsi la levée des sanctions de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO)? comptera autant que celui prochain de la Tabaski. Le timing choisi par la CEDEAO, s’il relève du hasard, fait l’affaire de tous. Sauf peut-être du mouton dont ce sera, paradoxalement, la fête!
La levée des sanctions commerciales, synonyme de la réouverture des frontières entre le pays mis sous embargo par la CEDEAO, est plus qu’une bouffée d’oxygène pour toute l’Afrique de l’ouest, mais surtout pour le Mali dont l’économie montrait des signes évidents d’essoufflement. Alors qu’en six mois, soit depuis le 9 janvier, date fatidique de la prise des sanctions draconiennes par l’organisation sous-régionale, le Mali a perdu deux points de croissance et que l’Etat faisait face à un défaut de paiement de 300 millions de dollars sur les marchés, les populations, elles n’en finissaient pas de se demander, à quand la fin de de ce jeun forcé qui n’avait rien d’un précepte religieux.
Les équations à résoudre n’étaient pas des moindres pour le Mali, coupé des transferts d’argent, vu que 90% de sa diaspora est éparpillée dans les pays de la sous-région, selon l’économiste Modibo Mao Makalou chez nos confrères de RFI. Les Maliens peuvent respirer à nouveau, la CEDEAO ayant desserré autour d’eux l’étau des sanctions. Seuls les dirigeants de la junte militaire vont continuer à serrer la ceinture, les sanctions financières, dont le gel de leurs avoirs, pesant toujours sur eux. Et le bras-de-fer n’est peut-être pas à son terme!
La CEDEAO a dû mettre fin à la souffrance des peuples dont elle est persuadée maintenant qu’elle intérêt à se rapprocher afin de redorer son blason quelque peu terni par les décisions de deux poids deux mesures, notamment en ce qui concerne les troisièmes mandats impunis qui sont aussi anticonstitutionnels et les putschs militaires. Mais l’institution garde l’œil ouvert sur les transitions, que ce soit au Burkina Faso, en Guinée ou au Mali, où elle interdit aux dirigeants des juntes militaires au pouvoir de prendre part aux compétitions électorales prévues pour marquer le retour des civils aux affaires. Or au Mali, la nouvelle loi électorale taillée sur mesure par le colonel Assimi Goïta est visiblement en conflit avec les recommandations de la CEDEAO, car permettant à tout militaire de prendre position dans les starting-blocks électoraux dès qu’il aura démissionné, quatre mois avant les élections.
Comme quoi, le ciel n’est pas totalement dégagé entre Bamako et la CEDEAO, qui sera désormais tirée par le Bissau-Guinéen, Umaro Sissoco Embalo qui assure la présidence tournante de l’institution sous-régionale.
Par Wakat Séra