Au cinéma, on aurait parlé de «happy end». Les croyants eux parleraient de miracle. Sauf que le saint patron de la communauté italienne qui est à l’origine de la médiation qui a conduit à la libération des sept militaires sénégalais qui étaient aux mains du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC) est loin d’être à son premier miracle en matière de règlement de crise. Et le hasard ou un calendrier peut-être bien pensé lui a fait accomplir ce geste un jour consacré à un autre saint, celui de l’amour.
Même si Saint Valentin n’a pas agi pour rapprocher deux cœurs en ce 14 février, c’est dans un élan «humanitaire» et «sans condition» que Salif Sadio, a consenti à la libération de ses désormais ex-otages. En tout cas, le chef de l’une des factions du mouvement indépendantiste que dirigeait l’Abbé Augustin Diamacoune Senghor, depuis 1982, jusqu’à sa mort en 2007, a tenu sa promesse de libérer ses captifs, après avoir rendu les corps de trois autres soldats morts lors de l’accrochage meurtrier du 24 janvier, entre éléments de l’Ecomig et combattants du MFDC.
La discrétion qui a entouré les négociations et l’expérience de Sant’Egidio dans ces genres de médiation ont été, sans doute, des facteurs décisifs. Les politiques, de la Gambie et du Sénégal, ont certainement dû faire profil bas, au point de briller par leur absence lors de la libération des prisonniers. Il ne fallait sans doute pas en rajouter à la tension qui prévaut, entre les rebelles casamançais et l’Etat du Sénégal, dans ce combat que les séparatistes ont engagé depuis des décennies.
Si le flou persiste encore dans la tête du commun des Sénégalais qui voudrait bien savoir comment des soldats de l’Ecomig, force de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) se sont retrouvés dans un conflit interne au Sénégal, l’heure est au soulagement dans les différents camps. L’affaire a donc été rondement menée par les membres de Sant’Egidio qui reconnait la contribution de toutes les autres parties et du Comité international de la Croix Rouge (CICR) pour le dénouement heureux d’une situation qui pouvait virer au cauchemar à la moindre maladresse.
Les lauriers tressés à cette association qui compte au moins 60 000 laïcs dans 74 pays à travers le monde, des membres qui oeuvrent pour le travail pour la paix et sont fortement engagés dans la lutte contre la pauvreté, sont bien mérités. Surtout que son action discrète mais d’une efficacité reconnue avait déjà conduit à la libération en 2012, après un an de détention, de huit autres captifs du MFDC. Qui plus est, elle construit un pont important dans le dialogue interreligieux, la Casamance comptant le plus grand nombre de chrétiens, dans un Sénégal majoritairement musulman. Mais, cette nouvelle parenthèse de sang dans la si longue guerre qui oppose le MFDC et Dakar, remet au goût de l’actualité l’urgence du règlement de ce conflit qui, entre accalmies et regains de tension, n’a que trop duré. Les canons sont toujours prêts à tonner.
Pourtant, il faut régler le problème de la Casamance, abandonnée par Dakar à son triste sort. Condamnée, selon les indépendantistes, à demeurer une région de seconde zone, parce que sevrée de bien des initiatives qui y auraient favorisé un essor de développement, la Casamance qui a d’abord appartenu à la Guinée Bissau, avec qui elle fait frontière tout comme la Gambie et la Guinée, est comme une cocotte-minute qui pourrait exploser à tout moment. Traînant plusieurs drames, la Casamance porte encore les stigmates du naufrage du Joola, le bateau qui la reliait à Dakar et qui a sombré le 26 septembre 2002, causant, selon les chiffres officiels, 1863 morts et disparus.
Qu’est-ce qui empêche donc, alors qu’ils l’ont toujours promis lors des campagnes électorales, les différents présidents qui se sont succédé à la tête du Sénégal de soigner, et le cas échéant, de guérir cette plaie puante que porte le Sénégal, le phare de la démocratie en Afrique francophone et pays cité parmi les réussites en matière de développement sur le continent? La volonté politique sans doute! Pour une paix des braves sur les rives du Sénégal, la communauté Sant’Egidio, et, plus que quiconque, les dirigeants de la Téranga, le pays de l’hospitalité, de la générosité et du partage, doivent aller plus en profondeur dans l’action, pour que le «thiéboudiène», le légendaire plat de riz gras au poisson, soit délicieux pour tous les Sénégalais, qu’ils soient de Dakar ou de Ziguinchor.
Par Wakat Séra