Accueil A la une Libération ou non de Hissène Habré: trouver la juste mesure

Libération ou non de Hissène Habré: trouver la juste mesure

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L'ancien président Hissène Habré (eb blanc) (Ph. rfi.fr)

Le Comité des Nations unies contre la torture s’oppose à la libération de l’ex-président tchadien, Hissène Habré, condamné le 30 mai 2016, à la prison à perpétuité pour crimes contre l’humanité et torture, notamment pour viols et esclavage sexuel, ainsi que pour crimes de guerre, par les Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises. Cette structure onusienne trouve précoce tout acte allant dans le sens de l’élargissement de l’ex homme fort de N’Djaména. Même s’il est malade! Pour le Comité qui se dit, en toute logique, préoccupé par la situation des victimes de Hissène Habré qui n’ont pas été indemnisées, «la libération prématurée des auteurs des crimes internationaux les plus graves n’est pas conforme aux obligations découlant de la Convention (contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants), notamment en vertu des articles 2, 4, 7, et 14». Crise cardiaque, fracture du bras, et autres bobos constituent pourtant le lot du pensionnaire presqu’octogénaire (77 ans) dont l’état de santé, selon son épouse ne cesse de se dégrader. Une association qui soutient l’ancien président s’est, du reste, engouffrée dans cette brèche que lui offre la providence pour demander la «grâce médicale» au profit du médiatiquement célèbre condamné de Dakar. Et même si elle est contre la grâce si elle doit venir des autorités sénégalaises qui n’en n’ont pas compétence selon elle, l’Association des victimes des crimes du régime Habré, reconnaît le droit au prisonnier d’être soigné, «s’il est vraiment malade».

Et la vraie question qui doit appeler une réponse adéquate est posée. Hissène Habré est-il vraiment malade? La dégradation constante de sa santé ne serait-elle qu’un savant et cynique montage pour sortir l’ancien chef de l’Etat des serres de la justice? L’administration carcérale et les autorités sénégalaises ne disposent-elles pas des rapports médicaux du «malade»? «Red lex, sed lex» ou en en français facile, «dure est la loi, mais c’est la loi». Et «nul n’est au-dessus de la loi», doit-on ajouter pour faire plus complet dans le registre de l’application implacable de la loi. Cependant, les détenus ont également des droits, dont celui de se soigner lorsqu’ils sont malades, qu’il faut respecter avec la même rigueur de la loi qui les punit. De plus, la loi doit pouvoir user d’humanisme pour permettre aux humains, tout en payant pour leurs fautes, profiter d’une seconde chance. Et ce serait quelque peu injuste de dénier au Sénégal, qui a accepté abriter ce procès qu’un juge burkinabè a eu le mérite de conduire de son début à son terme sans plier, de ne plus pouvoir dire son mot. Même si c’est le droit international, comme l’affirment certains qui régit le cas Habré. L’Afrique et les Africains ont fait mentir les plus sceptiques en tenant ce procès de bout en bout, doivent pouvoir faire jouer les ressorts traditionnels du pardon pour régler l’affaire. La justice c’est aussi la correction et si Hissène Habré ne peut pas vivre normalement dans cet univers carcéral, d’autres formules peuvent être essayées pour sauver une vie. Sans vouloir être cynique, le plus important aujourd’hui, c’est l’indemnisation des victimes et familles de victimes. Car, la maladie de l’ancien président tchadien, ou malheureusement sa disparition, n’effaceront point les douleurs des victimes ou des familles des victimes.

Il faut vite trouver la juste justice, pour ne pas sacrifier une vie de plus. Surtout que c’est derrière cette même loi à laquelle, il est dit péremptoirement que nul ne doit échapper, que se cachent souvent des desseins inavoués de dirigeants africains pour se débarrasser d’adversaires politiques dont ils ont une peur bleue.

Par Wakat Séra