S’il est, jusqu’à présent le seul Africain Ballon d’or, trophée obtenu de haute lutte devant l’Allemand Jürgen Klinsmann le 26 décembre 1995, et le premier footballeur de haut niveau président de la république, la rencontre qu’il s’apprête à livrer, ce mardi 10 octobre, est loin d’être une sinécure. Car, ce n’est ni en maillot, ni chaussé de crampons et protège-tibias que George Manneh Oppong Weah jouera cet autre grand match de sa vie. Et ce n’est pas non plus sur le gazon vert qu’il aura à affronter les 18 adversaires qui veulent en découdre avec lui, pas pour lui arracher son Ballon d’or, mais plutôt son fauteuil présidentiel. Oui, «Mister George», ou plutôt «Mister President» devra convaincre les 2,4 millions de Libériens, appelés non pas pour applaudir ses dribbles chaloupés et ses bolides qui ont donné des cauchemars à plus d’un gardien de football, mais pour glisser leurs bulletins de votes dans les urnes, pour dire «oui» au bilan de son mandat passé ou le sanctionner.
Alors qu’il prenait la tête du Libéria dont les populations libériennes sortaient de la gouvernance Johnson Ellen Sirleaf et replaçaient leur espoir dans les pieds, pardon, les mains d’un footballeur dont les exploits sont planétaires, George Weah, comme tout bon candidat a tissé une grosse couverture de promesses pour sortir ses concitoyens de la pauvreté endémique dans laquelle le pays à l’économie exsangue était engluée. Or, redresser la barre d’un bateau qui tangue n’a jamais été choses aisée, tout comme le discours de campagne et les réalités après vote sont comme le jour et la nuit. Du reste, disait Jean de La Fontaine dans Le Corbeau et le Renard, «tout flatteur vit au dépens de celui qui l’écoute». Visiblement, le bilan est mitigé. Il est vrai que «Mister President» a réhabilité des infrastructures routières conséquentes pour essayer de désenclaver le Liberia et prouver que la route du développement passe par le développement de la route.
De même, l’histoire retiendra que le pouvoir de George Weah a assuré la prise en charge des frais d’inscription des étudiants au niveau de l’enseignement public. Ce qui n’a pas pu être réalisé durant ce premier septennat le sera au cours du prochain mandat que sollicite le président sortant. Son état- major de campagne et son gouvernement en sont convaincus, George Weah poursuivra ses chantiers et ses réformes, notamment en apportant l’électricité dans davantage de localités, en rendant l’énergie accessible au plus grand nombre et en engageant diverses actions qui devront contribuer à l’épanouissement d’une jeunesse happée par le chômage et hantée par l’incertitude du lendemain.
Ce qui est certain, Les élections générales, présidentielle et législatives (Assemblée nationale et Sénat) de ce mardi n’auront probablement pas le même goût pour George Weah. Contrairement à 2017 où il briguait, vierge, la présidentielle, «Mister President» sera face à des juges qui l’évalueront à l’aune d’un bilan que d’ores et déjà, les partisans de son principal adversaire et ses détracteurs décortiquent dans les moindres détails. De plus, le président sortant souffrira de la défaillance d’un soutien de taille. Le populaire Prince Johnson, ancien seigneur de guerre a simplement tourné le dos à son désormais ex-allié pour rejoindre, armes et bagages, Joseph Nyumah Boakay l’opposant le plus craint de George Weah. De ce fait, l’ancien vice-président de Johnson Ellen Sirleaf, loin d’être un novice en politique et bénéficiant déjà de l’appui d’une grande coalition, se servira sans doute de tous ces atouts pour faire parler les urnes en sa faveur, en ce soir du 10 octobre. La lutte contre la corruption et le rétablissement de la justice pour un véritable Etat de droit, constituant quelques-uns des chantiers primordiaux que se fixe Joseph Boakai.
Ce 10 octobre est donc un grand jour pour les électeurs libériens et leurs différents champions. qui, S’ils privilégient le fair-play, et font tout le temps confiance à la justice de leur pays,tant pendant le vote qu’à l’issue de la proclamation des résultats, les Libériens auront le mérite de soigner cette plaie qui s’infecte chaque fois un peu plus au pied de l’Afrique où «l’élection c’est la guerre».
Par Wakat Séra