Attaquant de pointe incisif, George Weah l’aura été sur tous les terrains, passant aisément du gazon vert où les défenseurs ne lui ont fait aucun cadeau, dans la jungle de la politique où des adversaires encore plus féroces l’ont accueilli sans ménagement. Après deux loupés royaux devant les portes de la présidence, en 2005 et 2011, l’unique Ballon d’or africain du foot européen vient d’inscrire à son palmarès, le plus prestigieux trophée de sa vie. Désormais, appelez-le Mister President! Après un suspense, qui n’en n’était pas réellement un, tant il avait creusé l’écart lors de la campagne électorale, le populaire successeur de la non moins emblématique Ellen Johnson Sirleaf, a été proclamé président de la république. Mieux, le score de l’ancienne gloire du football africain, s’il n’a pas été stalinien est simplement éloquent, l’enfant des bidonvilles de Monrovia ayant creusé l’écart avec Joseph Boakai qu’il a défait par le score sans appel de 61,5% contre 38,5%. Cette victoire éclatante qui a plongé Monrovia dans la liesse populaire, s’est du reste dessinée dès le premier tour avec les près de 40% des suffrages obtenus par Georg Weah. Toutefois, l’allié déterminant du désormais nouveau président, c’est la jeunesse qui a constitué sa base électorale. Sans oublier que l’homme a souvent mis la main à la poche pour soutenir l’équipe nationale de football du Libéria, tout comme il a investi une partie de sa fortune pour financer des programmes au profit des populations démunies, des malades et de l’éducation.
Il faut le reconnaître, tout a souri à George Weah lors de cette course à la présidence qui était loin d’être gagnée pour au coup d’envoi. Non seulement Weah avait en face de lui des requins de la politique qui ont fait leurs armes sur les bancs de grandes universités occidentales ou lors de la longue guerre civile qui a frappé Libéria pendant des années, mais il était taxé par ses détracteurs d’analphabètes au programme de gouvernement sans envergure. Mais finalement, ces obstacles qui étaient en apparence infranchissables, le fils de parents pauvres qui a été très tôt à l’école de la vie, les transformera en atouts. Le sénateur, véritable produit brut de la majorité autochtone libérienne a toujours su rester proche des siens, eux qui le lui ont bien rendu, lors de cette élection menée sur fond de changement. Même la présence à ses côtés de Jewel Taylor, l’épouse de Charles Taylor qui purge une peine pour crime contre l’humanité, comme colistière pour le poste de vice-présidente ou le soutien lors du second tour, d’un seigneur de la guerre comme Prince Johnson, dénoncés par ses adversaires, n’ont pas réussi à freiner la progression de «King George» vers le fauteuil présidentiel.
Et maintenant qu’il commence un autre match après avoir rangé les crampons de l’un des meilleurs footballeurs de sa génération, George Weah sera-t-il en mesure de donner à ses compatriotes le mieux-être qu’ils recherchent, eux qui habitent un pays riche de ressources naturelles, mais vivent comme des damnés de la terre? Saura-t-il anéantir la corruption dans son pays, comme il venait à bout des défenseurs les plus téméraires sur un terrain de foot? Aura-t-il toujours cette aura qui lui permettait de rassembler riches et pauvres, jeunes et vieux, autochtones et descendants d’esclaves américains, dans le plus grand stade de football de Monrovia où ils les faisaient crier de joie à l’unisson à chaque but marqué? En tout cas la balle est plus que jamais dans ses pieds pour conduire le Libéria uni et débarrassé de la corruption, vers des lendemains meilleurs où il retrouvera sa place de première république de l’Afrique. Plus rien ne doit plus être impossible pour le premier et unique Ballon d’or africain en Europe, et premier ancien footballeur devenu chef de l’Etat sous les tropiques.
Par Wakat Séra