La 27è journée mondiale de la liberté de la presse se tient dans un contexte particulier où le Covid-19 a mis au pas la planète entière, n’épargnant aucun pays, ni aucun secteur d’activité. C’est à ce titre que la presse burkinabè, déjà soumise à bien des contraintes économiques, aux conséquences des attaques terroristes, et à des entraves pénales, etc., doit maintenant faire avec l’avènement du coronavirus qui lui complique davantage la tâche. S’il a, depuis un certain temps occupé une place honorable sur le continent et même dans le monde, il faut tout de même reconnaître que dans le classement mondial 2020 de Reporters Sans Frontières en matière de liberté de presse, le Burkina Faso a connu un recul de deux rangs, passant de la 36è à la 38è place. Au plan africain, il rate le podium de peu, figurant à la 4è place. Ceci expliquant cela, il faut dire que les modifications opérées en 2019 dans le code pénal et qui, comme l’affirme le comité de pilotage du Centre national de presse Norbert Zongo (CNP-NZ), «restreignent sévèrement les marges de manœuvres des journalistes dans la collecte, le traitement et la diffusion de l’information liée au terrorisme», sont passées par là. En son temps, les journalistes sous la bannière d’associations, de syndicats et du même CNP-NZ ont combattu sans succès ces réformes liberticides. De même, égrène encore le Centre, l’absence de décrets d’application, cinq ans après son adoption, de la loi portant accès à l’information et aux documents administratifs, constitue un frein à la liberté de la presse. On ne saurait éluder, au titre des maux de la presse burkinabè, ces affectations de masse qui ont visé des employés des médias publics et qui sont vues comme des sanctions.
La presse burkinabè, si elle n’est pas au creux de la vague n’en n’est pas bien loin. Si sa situation en matière de liberté, sans être d’un confort absolu n’est pas la plus à déplorer, il faut tout de même reconnaître la précarité économique endémique qui empêche la presse burkinabè d’offrir à ses animateurs, les conditions de vie et de travail idoines pour l’exercice de ce métier qui constitue un véritable sacerdoce. En ces temps de Covid-19, bien qu’ils soient exposés, peut-être pas au même titre que les personnels soignants dont ils rapportent au quotidien les prouesses, les journalistes burkinabè ne bénéficient pas, pour la plupart, d’une protection particulière. Ils vont au front avec les moyens de bord, pour donner l’information à des populations confinées ou sevrées d’activités, compte tenu de mesures comme le couvre-feu, l’arrêt des transports en commun, les fermetures de frontières, de marchés et des établissements scolaires, etc. Et pour ne rien arranger, comme peau de chagrin, les ventes des journaux papier se sont réduites et les rares annonceurs qui communiquaient encore et faisaient le petit bonheur des médias en ligne et de la presse écrite et audiovisuelle, ont disparu, asphyxiés eux-mêmes par la pandémie. Dans ce contexte très difficile, tous les regards sont tournés vers l’Etat dont la manne est fortement attendue pour accompagner et soulager quelque peu les organes de presse. Sinon certains titres sont simplement menacés de disparition. En tout cas, le Covid-19 aura laissé des séquelles impansables sur ce secteur pourtant vital pour toute société, surtout dans les Etats africains où les processus démocratiques sont en souffrance et où règnent en maîtres, corruption, mal gouvernance et autres pratiques qui sont de gros boulets aux pieds de nos pays en développement. Certes, le Burkina n’a pas ses prisons remplies de journalistes, et depuis l’assassinat de notre confrère, Norbert Zongo, le 13 décembre 1998, le Pays des hommes intègres n’a plus vécu pareil drame, mais ce n’est pas non plus l’eldorado rêvé pour les journalistes.
Comme quoi, la liberté de la presse demeure une conquête et une quête permanentes au Burkina qui attend, à l’instar de bien des pays africains, des élections, dont celle présidentielle prévue pour novembre 2020. Un autre virage important pour la fragile démocratie burkinabè. Et que s’apprête à négocier les médias burkinabè sans les armes indispensables.
Par Wakat Séra