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Libye: des migrants et réfugiés toujours victimes d’abus, selon l’ONU

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© UNICEF/Juan Haro Jeunes migrants au carrefour des régions de Zinder et d'Agadez. (fichier)

Alors que la Libye est toujours en proie à une insécurité « profonde », les migrants et les réfugiés continuent d’être victimes de violations « flagrantes et généralisées des droits humains » perpétrées à « grande échelle et en toute impunité », notamment des cas de torture ou de travail forcé, a fustigé mardi le chef des droits de l’homme de l’ONU.

Ces abus sont commis quand ces demandeurs d’asile se trouvent aux mains d’acteurs étatiques et non étatiques, et ce, sur l’ensemble du territoire, en particulier aux frontières et dans les situations de détention arbitraire.

La Libye constitue un point de destination et de transit pour les migrants, qui étaient au nombre de plus de 706.000 dans le pays en décembre 2023, la majorité d’entre eux étant entrés par l’Égypte, le Niger, le Soudan ou le Tchad.

Devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Volker Türk a décrit une « déshumanisation » de ces personnes en situation de vulnérabilité, qui se poursuit aux mains « d’acteurs étatiques et non étatiques, souvent de connivence ».

Entre arrestations en masse et expulsions collectives

« Traite, torture, travail forcé, extorsion, famine dans des conditions de détention intolérables. Expulsions massives. Vente d’êtres humains, y compris d’enfants », a détaillé le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, relevant que ces abus sont « perpétrés à grande échelle, en toute impunité ».

Depuis avril 2023, les services de sécurité libyens ont ainsi procédé à des arrestations en masse et à des expulsions collectives de milliers de personnes, y compris de personnes titulaires d’un visa valide. Le rapport note que ces expulsions massives ont eu lieu alors que l’Union européenne et ses États membres exerçaient une « pression croissante » pour endiguer les migrations en Méditerranée.

Les arrestations en masse et les expulsions massives du pays ont eu lieu alors que des milliers de migrants et de demandeurs d’asile étaient détenus arbitrairement en Libye depuis juin 2023 après avoir été expulsés collectivement de Tunisie avec le concours des autorités tunisiennes et libyennes.

Les services du Haut-Commissaire Türk indiquent avoir recueilli des informations sur « un ensemble systématique d’interceptions armées sur terre et en mer, de retours forcés en dehors de toute procédure régulière ».

Discours de haine et actes de racisme à l’égard des Africains subsahariens

Il s’agit également de transferts de zones frontalières vers des lieux de détention situés dans l’ouest de la Libye, notamment à Bir el-Ghanam et à Ghout el-Chaal, qui sont placés sous le contrôle du Service de la lutte contre l’immigration illégale, et vers le centre de détention d’Assa, qui est géré par les garde-frontières libyens, qui relèvent du ministère de l’Intérieur.

Dans les centres de Bir el-Ghanam et d’Assa, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH) a ainsi confirmé « des cas de torture et de mauvais traitements, d’exécutions extrajudiciaires, de traite des êtres humains, de travail forcé, d’extorsion et d’autres formes de mauvais traitements ».

Ces abus généralisés interviennent alors que « les discours de haine et les actes de racisme à l’égard des migrants » se multiplient en Libye, notamment les campagnes de désinformation en ligne prônant « l’expulsion de tous les Africains subsahariens ».

C’est dans ce climat qu’un charnier a été découvert en mars dernier dans le sud-ouest de la Libye, contenant « au moins 65 corps présumés de migrants ». « Comme si cela ne suffisait pas, nous suivons les informations faisant état d’un autre charnier découvert récemment dans le désert à la frontière entre la Libye et la Tunisie », a dit Volker Türk, qui exhorte les autorités à mener une enquête approfondie sur ces crimes.

Les routes périlleuses du désert du Sahara

Sur le terrain, ces abus ne semblent pas décourager des migrants et réfugiés à utiliser ce pays d’Afrique du nord comme point de passage pour rejoindre l’Europe. Au cours de la période considérée (avril 2023 à avril 2024), plus de 2.400 personnes sont mortes ou ont disparu en tentant de traverser la Méditerranée centrale, « ce qui représente une perte de vies insupportable ». Plus de 1.300 d’entre elles sont parties de Libye.

Pour le chef des droits de l’homme de l’ONU, il est inadmissible que des personnes en quête de sécurité et de dignité souffrent et meurent dans des circonstances aussi indescriptibles. « Je demande à chacun d’entre nous de réfléchir à cette perte de vies tragique et continue – ainsi qu’à la mort de tant de migrants et de réfugiés sur les routes périlleuses qui traversent le désert du Sahara vers la côte, comme le souligne un rapport publié la semaine dernière par le HCR, l’OIM et le Centre de migration mixte », a-t-il dit.

Il demande à la communauté internationale d’examiner et, si nécessaire, de « suspendre » la coopération en matière d’asile et de migration avec les autorités impliquées dans les violations des droits de l’homme.

Ciblage des voix dissidentes

Plus largement, la Libye se trouve à la « croisée des chemins » et en proie à une « insécurité profonde ». Les populations continuent d’endurer « la misère des difficultés économiques couplée à l’exclusion politique ».

Un processus politique bloqué, détourné par des acteurs dont les intérêts sont alignés sur la préservation du statu quo, est en train de décimer les espoirs des Libyens d’une société plus stable, plus ouverte et plus prospère. « Des espoirs qu’ils ont dû porter pendant bien trop longtemps, avec peu de choses en retour ».

Le chef des droits de l’homme a ainsi dénoncé l’« escalade » des arrestations et détentions arbitraires, des disparitions forcées et des violations liées à la détention. Le ciblage des opposants politiques et des voix dissidentes dans tout le pays s’est accéléré depuis la fin du mandat de la mission d’enquête indépendante.

Bien que le chiffre soit probablement plus élevé et que les arrestations se poursuivent, l’ONU a ainsi vérifié au moins 60 cas de détention arbitraire de personnes qui exerçaient pacifiquement leur droit d’exprimer leurs opinions politiques. Dans certains cas, la détention a été suivie d’une exécution extrajudiciaire.

Cette répression inflige de grandes souffrances aux personnes concernées et à leurs familles, dont certaines ont elles-mêmes été victimes d’arrestations et de détentions arbitraires. « L’absence persistante de reddition des comptes pour ces violations et abus commis il y a 13 ans reste l’un des obstacles majeurs à la réconciliation aujourd’hui, et sert de moteur au conflit », a regretté le Haut-Commissaire.

Source: ONU Info