C’est clair, la conférence de Berlin de ce dimanche 19 janvier en présence de 11 pays, et surtout des deux frères ennemis, le maréchal Khalifar Haftar et Fayez el-Sarraj, n’a pas pour ambition de résoudre la crise libyenne d’un coup de baguette magique. Il ne faut donc pas la comparer à celle du 15 novembre 1884 au 26 février 1885 qui a consacré le partage de l’Afrique, comme un gros gâteau entre les Européens. Ce fut un succès total pour ses organisateurs. Contrairement à la tristement célèbre rencontre convoquée par le chancelier Otto von Bismarck, la réunion accueillie par la chancelière allemande, Angela Merckel, n’a pas pour but de diviser la Libye, car le pays est déjà divisé, chacune des deux parties étant aux mains de Haftar et de Sarraj, forts de leurs différents soutiens. La conférence de Berlin dont les organisateurs ont pris le soin de laisser chaque protagoniste, notamment le maréchal Haftar se mettre en position de confort pour discuter, s’est juste donné pour mission la mise en place d’un mécanisme pour assurer la longévité du cessez-le-feu en cours, sur lequel devrait s’adosser le dialogue politique entre les parties en conflit. C’est déjà une étape importante car vu la hargne des belligérants et de leurs soutiens extérieurs à en découdre, le jeu est loin d’être gagné d’avance.
Dans ce schéma de «step by step», la communauté internationale qui a habitué l’opinion à sa stratégie du pyromane-pompier et en fonction des intérêts des puissants du jour n’a pas failli à sa réputation. Surtout avec les enjeux du pétrole libyen très convoité et qui avait déjà conduit au bombardement de la Libye par la France et ses alliés, sous l’œil bienveillant de la…communauté internationale bien aidée dans sa funeste tâche par le silence ingrat des Africains. La «banque de développement» informelle de l’Afrique, le très généreux Mouammar Kadhafi, a même été assassiné dans la foulée, le 20 octobre 2011. Et la Libye est devenue une poudrière à ciel ouvert où s’approvisionnent tous les terroristes qui écument la bande sahélo-saharienne. Pire, passage presque obligé pour les nombreux migrants à l’assaut de l’Europe, la Libye s’est transformée en un pays de non droit où les pauvres migrants sont dépouillés, violés, vendus comme de vulgaires objets, etc. Donc, sur presque tous les plans, la Libye est «une affaire juteuse» et les prédateurs occidentaux, ne pouvaient rester indifférents à ce gibier que certains d’entre eux se disputaient par pions libyens interposés. Garder la Libye sous contrôle en attendant le moment opportun pour la dépecer, grâce aux accords dont ils ont seuls le secret. N’est-ce pas le véritable dessein caché de la conférence de Berlin qui pourrait alors bien ressembler à celle de 1884-1885 qui a fait le lit de la colonisation?
En tout cas, la guerre est loin d’être finie entre clans rivaux, soutenus militairement ou autrement par des parrains influents comme la Russie pour le camp Khalifar Haftar et la Turquie pour le camp Fayez el-Sarraj. La communauté internationale a pourtant bien vu venir ce nouveau conflit. Elle savait bien également que le chaos s’installerait suite au bombardement de la Libye de Kadhafi par la France et ses alliés. Et maintenant on fait quoi pour sortir avec sincérité, la Libye de l’impasse? Interrogation qui ne trouverait réponse que dans un avenir lointain, quand les «gendarmes du monde» ne s’octroieraient plus, pour des intérêts économiques et géo-stratégiques, le droit de destruction d’un Etat souverain. En attendant, il faut espérer que la conférence de Berlin fasse effectivement taire les armes durablement pour que le dialogue politique s’installe entre frères libyens avec le concours de leurs voisins de la Tunisie qui n’ont pas été de la partie à Berlin alors qu’ils devaient y être aux premières loges.
Par Wakat Séra