C’est dans une foison de crises et conflits dans le monde et en plein printemps des putschs militaires en Afrique, et plus précisément dans la partie ouest du continent noir, que s’ouvrent les débats de la 78e Assemblée générale de l’ONU.
145 chefs d’Etat et de gouvernements, parmi lesquels seront absents les dirigeants russes et chinois, mais aussi le Français Emmanuel Macron et le Premier ministre britannique Rishi Sunak, défileront à la prestigieuse tribune de l’institution internationale, pour parler de ce qui les préoccupe individuellement ou de ce qui peut contribuer à la bonne marche de l’ONU et du monde de façon générale. Certes c’est la maison commune mais tous les membres de la famille n’y prennent pas la parole.
Soit certains dirigeants snobent la descendante de la Société des Nations, soit ils ne sont simplement pas autorisés à parler parce que bannis de la tribu. Ce qui sera le cas du Malien Assimi Goïta, le colonel auteur de deux putschs en moins d’un an dont celui qui a rouvert le bal des coups d’Etat militaires en Afrique de l’ouest, le 18 août 2020. Le président de la transition malienne sera représenté par son porte-voix préféré, son ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, habitué de l’exercice.
Quant au Burkinabè Ibrahim Traoré, il ne marchera pas dans les pas de son prédécesseur le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, qu’il a tombé le 30 septembre 2022. Son missi dominici à New York sera son ministre d’Etat, Bassolma Bazié, qui tient le maroquin de la Fonction publique. Le dernier chef de la junte en Afrique de l’ouest, le général Abdourahamane Tiani qui a renversé, en juillet de cette année, le président nigérien démocratiquement élu et toujours considéré comme tel par la communauté internationale, Mohamed Bazoum, aura-t-il un représentant à la tribune de l’ONU? La question reste en suspens. L’ancien chef de la Garde présidentielle qui a pris en otage celui sur lequel il était censé veiller, étant visiblement persona non grata à l’ONU, le siège du Niger sera peut-être inoccupé.
Quant au Gabon, le seul pays d’Afrique centrale frappé par la nouvelle saison des putschs militaires, il sera représenté par le Premier ministre de la junte, Raymond Ndong Sima, son chef étant occupé à mettre sa transition sur les rails. Le président par intérim essaie d’aller vite, même si la durée de son régime d’exception demeure encore un mystère pour le commun des Gabonais et pour la Communauté internationale dont il semble jouir, en tout cas pour l’instant, de la bienveillance. Pendant combien de temps durera l’état de grâce du général putschiste Brice Clothaire Oligui Nguéma? Pour le savoir, il faudra peut-être «make noise» comme le réclamait Ali Bongo Ondimba qui demandait à ses amis du Commonwealth de «faire du bruit» pour le sauver, alors qu’il était cueilli comme un fruit mur, le 30 août dernier, par le patron de la Garde républicaine.
Le bon élève de la classe des putschistes a pour nom, Mamadi Doumbouya. L’ancien commandant du Groupement des forces spéciales de la Guinée, devenu président par intérim à la faveur du coup d’Etat du 5 septembre 2021 qui a mis à la touche le Professeur Alpha Condé en plein 3e mandat, est visiblement dans les grâces d’Antonio Guterres, le capitaine du bateau floqué ONU. Le colonel Doumbouya, qui sait désormais troquer admirablement le boubou de bazin blanc et le costume bien taillé contre le treillis et la vareuse kaki, devrait être à la tribune de l’ONU pour son premier déplacement officiel à l’international depuis son putsch. Il aura ainsi l’occasion de confirmer aux partenaires de la Guinée, qu’il est un putschiste fréquentable, comme l’a été le Burkinabè Paul-Henri Sandaogo Damiba, dont la chute précipitée est intervenue dans la foulée de…sa visite à New-York. L’homme fort, au propre comme au figuré, de Conakry, aura ainsi l’opportunité de donner une lecture plus claire de sa transition qui brille, jusque-là, par son opacité.
Le colonel Doumbouya sera ainsi un privilégié parmi ses frères d’arme venus au pouvoir comme lui, par les armes. Mais il échappera difficilement aux sujets qui fâchent, notamment ceux de l’exil forcé des politiciens emblématiques comme Cellou Dalein Diallo et des interdictions et répressions musclées de manifestations de la rue, sans oublier les embastillements de contradicteurs de sa transition et de leaders de la société civile.
Par Wakat Séra