Accueil Editorial Macky Sall désavoué par les Sages, mais toujours maître du jeu?

Macky Sall désavoué par les Sages, mais toujours maître du jeu?

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Macky Sall a-t-il encore d'autres cartes à jouer?

Les requêtes sont recevables. Le décret présidentiel et la loi portant report de la présidentielle du 25 février au 15 décembre sont annulés. La loi portant dérogation aux dispositions de l’article 3l de la constitution, adoptée sous le n°4/2024 par l’Assemblée nationale, en sa séance du 5 février 2024, est contraire à la Constitution. Le décret n° 2024-106 du 03 février 2024 portant abrogation du décret convoquant le corps électoral pour l’élection présidentielle du 25 février 2024 est annulé. Les Sages ont donc tranché. Une décision historique! Le Conseil constitutionnel a-t-il pris la bonne décision? Oui. Cette restauration de la loi ramènera-t-elle la paix dans un Sénégal où la tension socio-politique avait comme atteint son point de non-retour? Oui, si chaque partie a à cœur de jouer la carte de l’apaisement. Quelle sera la nouvelle date de l’élection présidentielle? Non déterminée pour l’instant.

Le calendrier restera-t-il dans les limites de la dévolution du pouvoir au plus tard le 2 avril? La question reste posée, car «impossible présidentielle le 25 février», comme nous l’avions constaté déjà dans notre éditorial du 14 février. La libération à la pelle de détenus politiques sera-t-elle déterminante pour faire descendre le mercure politique? Sans doute qu’elle contribuera à la décrispation, surtout que cette initiative, prise, le dos au mur, par Macky Sall, concerne également des leaders du parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), donc, peut-être, Ousmane Sonko qui s’est toujours dit victime de cabale politique. Que devient le planning des mobilisations, dont le «vendredi de la libération» prévu, à Thiès, à Ziguinchor et à Dakar, ce 16 février? La liste des candidatures, validées ou retoquées, par le Conseil constitutionnel sera-t-elle remise à plat ou sera-t-elle maintenue comme tel? Des questions et des incertitudes!

En tout cas, il faudra, sans doute, pour sauver l’essentiel, et remettre à flot le bateau tanguant du pays de la Teranga, sortir du fétichisme des dates et surtout du raidissement des positions des uns et des autres, pour établir, de façon collaborative, un nouveau calendrier. L’Assemblée nationale peut servir de cuisine à cette nouvelle phase du processus électoral en s’imposant la date butoir du 2 Avril, même si un léger glissement de deux ou trois semaines peut être permis. Un calcul rapide, pour rester dans le tempo électoral initial, pourrait faire tenir le premier tour du scrutin le deuxième dimanche du mois de mars et le second tour trois semaines après. «Protégeons notre élection», ne sera plus le mot d’ordre que d’un collectif, mais deviendra alors le slogan de tous les Sénégalais soucieux de l’avenir de ce pays coutumier des soubresauts pré-présidentielle mais qui trouve toujours les ressorts nécessaires pour se relancer.

Et si Macky Sall était resté maître du jeu depuis le jour qu’il a déclaré qu’il n’allait pas se permettre le flirt suicidaire avec le troisième mandat? Tout porte à croire, qu’avec la désignation de son dauphin contesté au sein de sa famille politique, que l’ancien président, était loin de vouloir rendre les clés du palais. Ce qui ressemble à un acné politique spontané est, en réalité, l’un des plans de Macky Sall de rallonger son règne, par tous les moyens. Il s’est visiblement mis dans la perspective du chaos pour ensuite brandir la nécessité de ce dialogue national qui ne peut que lui donner encore du temps pour rester président encore un moment, et plus si affinités, afin d’assouvir ses objectifs cachés. S’il ne peut plus compter sur son décret pour reporter l’élection, Macky Sall a toujours son projet de «dialogue» pour espérer respirer encore un peu, l’air présidentiel!

Le Sénégal a perdu son titre de champion d’Afrique des nations de football, mais conserve celui de phare de la démocratie en Afrique. Etat de droit, il l’est et sauf tsunami, Etat de droit, il demeurera. Par cette décision, qui désavoue le président de la république qui s’est mis la constitution à dos, les gardiens de la Loi fondamentale ont fait la preuve que nul ne doit outrepasser ses prérogatives. Les Sept Sages viennent de passer un message clair, celui de la même justice qui a condamné Ousmane Sonko qui vient de renvoyer Macky Sall à ses rêves.

Par Wakat Séra