«Ce déplacement contribuera à approfondir la relation bilatérale tournée vers l’avenir au bénéfice des populations des deux pays, à renforcer la coopération franco-algérienne face aux enjeux régionaux et à poursuivre le travail d’apaisement des mémoires». C’est ainsi qu’Elysée présente la visite qu’entreprend à Alger, du 25 au 27 août, Emmanuel Macron. Tout un programme! Sous le double sceau de la «jeunesse et l’avenir», le président français et sa délégation de 90 personnes dont sept ministres, des parlementaires, des patrons de groupes importants et des sportifs, tenteront donc de faire tomber la fièvre diplomatique de plusieurs mois entre les deux pays sur fond de question mémorielle. Ce qui justifie d’ailleurs dans la suite du premier des Français, de Benjamin Stora, l’historien auteur du rapport qui a planché sur les pages sombres de la colonisation et de la guerre d’Algérie.
Mais ce séjour de Emmanuel Macron, le deuxième après celui de 2017 et le premier après sa réélection, ne sera pas que souvenirs d’un passé houleux, car il s’ouvrira sur le futur pour donner un nouveau souffle à des relations franco-algériennes faites de «je t’aime moi non plus». Le business, notamment la cour à l’Algérie pour son gaz qui pourrait approvisionner la France, l’eau étant rentré dans celui qui vient de la Russie, depuis la guerre en Ukraine; la sécurité surtout dans un Sahel écumé par les terroristes, et où le voisin malien de l’Algérie donne du fil à retordre à Paris; l’immigration avec la réduction sans commune mesure de visas français à l’endroit des Algériens; etc. Ce sont autant de sujets qui devraient être mis sur la table derrière laquelle se retrouveront d’un côté les coqs gaulois et les fennecs, version économico-politique, emmenés par leurs capitaines respectifs, Emmanuel Macron pour les visiteurs et Abdelmadjid Tebboune pour les hôtes algériens.
Si cette sortie hors de la France n’a rien de sinécure pour le locataire de l’Elysée à qui les observateurs politiques avisés ont promis une rentrée chaude à la maison, elle est déjà marquée par une levée de boucliers contre le grand rabbin de France qui se trouve dans les bagages du président français. Persona non grata, Haïm Korsia, paradoxalement bien que né de parents algériens, l’est chez lui à Alger! Nombre d’internautes et surtout le leader du Mouvement de la société pour la paix (MSP), contestent, dans un langage des plus durs, la présence du grand rabbin au sein de la délégation présidentielle.
Pour le chef du parti islamiste, Abdelrrazak Makri et ceux qui soufflent dans la même trompette que lui, en venant à Alger avec le grand rabbin, Macron affiche ainsi la volonté de la France de chercher à rapprocher ce pays d’Israël. Du reste, pour le chef du MSP, qui dénonce l’hostilité de la France contre l’Islam à travers le discours de son président, le rabbin soutient l’entité sioniste et dénie ainsi leurs droits aux Palestiniens. Une polémique et pas des moindres qui pourrait bien électriser davantage un séjour qui n’était pas prévu pour être de tout repos.
Question: à quand une relation, ne serait-ce que passablement, paisible entre la France et l’Algérie, et plus généralement les anciens pays colonisés par nos ancêtres les Gaulois et dont les héritiers prônent pourtant un nouveau type de partenariat, avec le continent noir? Demain n’est visiblement pas la veille, la France ayant du mal à se débarrasser du péché originel de la colonisation dont certains de ses détracteurs se servent d’ailleurs sans vergogne pour nourrir le sentiment anti-français, l’arme privilégiée dans le combat pour la séduction de l’Afrique par de nouveaux loups cachés sous la peau d’agneaux.
Par Wakat Séra