Alors que tout semblait aller mal dans un Mali que les mouvements djihadistes ont pratiquement amputé de son nord et que les syndicats ont mis en ébullition par des manifestations dans des secteurs aussi sensibles que la santé et l’éducation, Ibrahim Boubacar Keïta, vient de sortir son joker. Il a pour nom Abdoulaye Idrissa Maïga et sera chargé de diriger le prochain gouvernement malien dont la composition ne réserve plus grande surprise, les bookmakers de la politique sur les bords du Djoliba ayant affiné les traits de plupart de ses membres. De plus, sauf coup de tonnerre, l’opposition y sera très peu représentée, son chef de file ne se sentant pas du tout dans le coup. Il n’a d’ailleurs pas été consulté, selon lui. Du reste, le gâteau est loin d’être suffisant pour les 64 partis politiques de la mouvance présidentielle. Et quand on sait que le pays est à quelques encablures des élections générales, IBK rassemblera sans doute autour de lui, les siens, afin de se doter d’une machine électorale forte. L’option est sans équivoque avec la nomination de son quatrième premier ministre, qui n’est autre que son ancien directeur de campagne de 2013.
En nommant son fidèle lieutenant à ce poste réputé très éjectable dans un contexte aussi tendu que celui actuel, IBK doit placer en lui une confiance aveugle pour ramener la concorde et la cohésion sociale, aux lendemains des premiers pas encore bien hésitants, de la Conférence d’entente nationale. Reconnu intègre et homme de terrain, Abdoulaye Idrissa Maïga, sera-t-il également capable de se débarrasser de sa carapace d’homme « têtu », qualité qui peut se muer en défaut, pouvant raidir les positions dans des négociations, surtout avec des groupes armés et des syndicats rompus à ce genre d’exercice ? Seul l’avenir le dira. A moins que le choix de IBK soit désormais de durcir un peu plus le ton, lui dont certains ne manquent pas de relever la mollesse surtout dans la guerre contre le terrorisme et les appétits voraces des mouvements de défense de l’Azawad, prêts à dépecer le « Mali ba », le grand Mali, pour faire pousser leur territoire. Dans ce cas, le premier ministre aura peu d’effort à faire pour tenir tête à la fougue des ennemis de la paix. Il lui suffira de dépoussiérer son armure de ministre de la défense dans une vie antérieure très récente, pour faire respecter d’autorité, des accords de paix qui souffrent à leur application. Le défi sécuritaire est grand et la pacification, pour ne pas dire la reconquête du pays dans son entièreté, s’impose à ce cacique du Rassemblement pour le Mali (RPM, parti au pouvoir).
En tout cas, les Maliens attendront certainement du successeur de Modibo Keïta, qu’il fasse des miracles pour sortir le Mali de ce marasme socio-politique qui rend presqu’impossible tout envol vers un développement, qui fuit ce vaste territoire dont la partie nord est l’objet des convoitises de groupes armés et autres trafiquants de tous ordres. Pour y parvenir, le nouveau chef de l’exécutif devra réaliser un savant dosage de sa rigueur scientifique d’ingénieur et d’ancien patron de la défense, mais aussi de cette nouvelle capacité d’écoute dans laquelle il puisera chaque fois que de besoin pour faire baisser le mercure social.
Par Wakat Séra