C’est ce lundi 7 septembre que les dirigeants de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), ont, une fois de plus, dit, lors de leur sommet tenu à Niamey, au Niger, toute leur opposition au coup d’Etat survenu au Mali, et surtout la présence de la junte à la tête du pays. Les chefs de l’Etat ont donc adressé un ultimatum aux militaires, qui ont, jusqu’au 15 septembre prochain, délai de rigueur, pour mettre en place une transition présidée par un civil. Les sanctions sont donc maintenues contre le Mali et le Comité national de salut du peuple (CNSP) au pouvoir, depuis le 18 août, suite au coup de force qui a abouti à l’arrestation et à la démission de Ibrahim Boubacar Keïta.
Les têtes couronnées de la sous-région exigent donc une transition civile et d’une année tout au plus. Les décisions de l’organisation ouest africaine affublée désormais du nom de «syndicat des chefs d’Etat», ont-elles pris en compte, l’évolution de la situation politique au Mali, depuis le coup d’état, appelons un chat un chat, n’en déplaise à la junte militaire au pouvoir? A moins que l’option du maintien des sanctions, soit juste une manière de mettre une pression supplémentaire sur la junte pour qu’elle rende le pouvoir aux civils. Si le désormais ancien président malien a été libéré, et, mieux, s’est envolé vers les Emirats arabes unis, pour un séjour sanitaire, bien entendu conditionné, il faut ajouter aux bons points des nouveaux hommes forts de Bamako, la concertation nationale inclusive, engagée, ce week-end, sur la durée et la composition de la transition, période que la junte au pouvoir voudrait diriger, et sur deux à trois ans.
En attendant que la fumée blanche sorte du conclave national qui a débuté dans la grande salle de conférence internationale de Bamako où se sont réunis, entre autres, militaires, organisations de la société civile, partis politiques de tous bords et même ceux non alignés, la suite du processus est dans les mains d’un comité d’experts. Et c’est aux membres de ce comité, désignés, bien entendu, par le Comité national du salut du peuple (CNSP), que revient la tâche délicate de scruter à la loupe, l’ensemble des contributions, et d’en faire le tri, pour échafauder les «termes de référence consolidés» qui serviront de base à la suite des échanges, fixés, en principe, de jeudi à samedi prochain.
Une fois de plus, la junte militaire au pouvoir et le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques pourraient bien s’écharper sur ce point et si le consensus ne prévaut pas, le clash sera difficile à éviter.
En effet, le colonel Assimi Goïta et ses hommes entendent mener la barque jusqu’au bout, sauf que, comme le dit l’adage, si la défaite est orpheline, la victoire, elle, a plusieurs pères. Et c’est fort de cette logique que le M5-RFP qui a mené sur près de trois mois, la contestation contre IBK, protestation parachevée par la junte, ne compte plus laisser le gouvernail dans les seules mains des militaires. Après la sortie de l’influent imam Mahmoud Dicko, qui a prévenu les nouveaux chefs en kaki qu’ils n’auront plus carte blanche, le M5-RFP, exige à nouveau d’être associé à l’organisation de la concertation nationale, au même niveau que la junte. A moins qu’un modus vivendi soit trouvé au plus vite entre les militaires, qui se considèrent comme les nouveaux maîtres de Bamako et les civils du M5 qui s’arrogent également cette chute de IBK, le Mali fonce indubitablement vers la crise dans la crise!
Et même qu’il serait plus juste de parler des crises, car les attaques terroristes font toujours rage et endeuillent aussi bien l’armée et les civils maliens que la force française Barkhane qui vient de perdre, samedi 5 septembre, deux de ses éléments. Les morts, le brigadier-chef de première classe, S.T. et le hussard de première classe, Arnaud Volpe et un troisième militaire, grièvement blessé, ont explosé sur une bombe artisanale, dans la région de Tessalit, dans le nord du Mali.
Il n’y a donc aucun répit pour les militaires et les politiques maliens, coincés dans le dilemme infernal d’aller vite et bien. La tâche ne sera pas des plus aisées, l’épée de Damoclès CEDEAO, tournoyant, plus menaçante que jamais, prête à décapiter. Surtout ceux que le peuple a acclamés comme des héros, un certain 18 août 2020! Certes, le Mali fait partie de la Communauté sous-régionale, et ne saurait se soustraire aux normes de celle-ci. Mais, vu que la CEDEAO a fait peu ou prou, pour soulager le peuple de la mal gouvernance, de la corruption et des attaques terroristes, qui étaient son quotidien sous le régime IBK, pourquoi ne pas laisser les Maliens régler cette affaire de transition entre eux, et les accompagner dans la suite du processus, sans afficher cette posture manifeste et gauche de vouloir tout leur imposer?
De plus, la CEDEAO a bien d’autres chats plus géants à fouetter, en Côte d’Ivoire et en Guinée, pays qui pourraient vivre pire cauchemar que le Mali, avec le virus du troisième mandat confirmé chez les présidents, ivoirien Alassane Dramane Ouattara et guinéen Alpha Condé, deux anciens opposants qui ont oublié le charme de l’alternance démocratique qui les a amenés au pouvoir.
Par Wakat Séra