A chronogramme inacceptable, sanctions lourdes! C’est l’essentiel des décisions accouchées par le sommet extraordinaire de la Communauté économique et monétaire ouest africaine (CEDEAO), précédé de celui de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). C’était ce dimanche à Accra, où les dirigeants de l’Afrique de l’ouest, se sont penchés, en toute urgence, sur le cas du Mali, dont les autorités proposaient, pour une transition qui devait durer 6 mois, 5 ans. Juste à la veille de la rencontre accueillie par le président en exercice de la CEDEAO, le Ghanéen Nana Akufo-Addo, le colonel Assimi Goïta et ses hommes ont revu leurs prétention à la baisse. Ce qui ressemblait à du «demander à l’excès pour avoir beaucoup». La transition sera désormais de 4 ans. Face à ce marchandage indécent, chantages dans lesquels excellent les hommes forts de Bamako, la CEDEAO ne transige pas sur ses principes de condamnation de prise de pouvoir par les armes. Sa main est lourde et les sanctions prévues pour l’exemple, tombent. Désormais, le Mali doit faire face à une situation qui pourrait bien asphyxier des populations déjà malmenées par les attaques terroristes au quotidien et les conséquences socio-économiques catastrophiques du Covid-19 et sa suite de variants.
Gel des avoirs maliens au sein de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (BCEAO). Coupure des aides financières. Fermeture des frontières entre le Mali et les Etats membres de l’organisation sous-régionale. Suspension des transactions avec le Mali, à l’exception, sans doute dans le but de ne pas pénaliser les populations, des produits médicaux et de première nécessité, les produits pétroliers et l’électricité. Gel des actifs et des avoirs de la République du Mali dans toutes les banques centrales des pays membres de la CEDEAO. Gel des avoirs du gouvernement et des entreprises d’Etat maliennes dans toutes les banques commerciales de la CEDEAO.
Autant de mesures radicales prises par les dirigeants de la Communauté qui n’ont pas manqué de faire l’amer constat de l’échec de la transition malienne, dont la mission première, et unique était d’organiser, dans le délai de 6 mois qui lui était assigné, des élections ouvertes qui devaient déboucher sur la transmission du pouvoir aux civils. Mais les militaires ayant régulièrement fait la preuve de leur mauvaise foi, en confisquant le pouvoir pour de bon, ceux du Mali ne dérogent pas à la règle. Comme d’autres, ils se fabriqueront, par la suite, une virginité par le biais de parodies d’élections qui les installeront durablement au palais présidentiel… jusqu’au prochain coup d’Etat. L’Afrique ainsi empêtrée dans cet éternel recommencement de la marche vers la démocratie s’est retrouvée, une fois de plus, en pleine bourrasque de putschs militaires qui ont touché notamment le Mali, la Guinée, et le Tchad.
Mais quel sera l’impact de ses sanctions sur le Mali? Bamako, soumet la CEDEAO à rude épreuve, vu que l’organisation doit engager ses sanctions en ménageant les populations. Pourtant sous la menace des sanctions à l’époque les militaires avaient bien accepté cette échéance du 27 février 2022 pour la tenue des élections. Sauf que l’appétit venant en mangeant, les hommes en kaki mettant en place une batterie de stratagèmes, soutenue par une fondation de chantages, nourrie par le sentiment anti-français, ont changé de boussole. C’est dans cette logique que sont sorties des laboratoires de Kati, le QG des militaires putschistes, les Assises nationales pour la refondation de l’Etat (ANR), qui ont porté la proposition de la nouvelle durée de 5 ans d’une transition dévoyée. Sommé par la CEDEAO de suspendre les grandes réformes qu’il a entreprises pour les remettre dans les mains d’institutions légitimes issues d’élections démocratiques, le Mali qui devra également se retrouver bientôt en quarantaine du fait de la fermeture des frontières de ses voisins de la sous-région, composera-t-elle plus que jamais avec la Russie et la Chine, qui pourraient choisir de le faire vivre, par le biais de la frontière qu’il partage avec l’Algérie?
En tout cas, la CEDEAO qui joue sa crédibilité sur les bords du Djoliba, est loin d’avoir la maîtrise de la situation, elle qui a toujours su fermer les yeux sur les dérives des chefs d’Etat élus et a l’art de rester atone et aphone sur les 3e mandats anticonstitutionnels comme ce fut le cas en Côte d’Ivoire avec Alassane Ouattara et en Guinée avec le désormais ancien président de la république Alpha Condé dont le sort a été scellé par le colonel Mamady Doumbouya et ses hommes.
Par Wakat Séra