Mission des Nations unies au Mali (Minusma), Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDEAO), Union africaine (UA), Union européenne (UE), France, Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, etc. Autant d’institutions et de pays, qui, ont condamné avec la plus grande fermeté, le coup d’Etat militaire au Mali, le deuxième du genre en neuf mois, portant la griffe du même homme et conçu par le même laboratoire de Kati. Prévenus du modus operandi des putschistes, qui consiste à kidnapper et amener, manu militari, leurs otages dans leur camp et les contraindre, le pistolet sur la tempe, à quitter, leurs fonctions, et les libérer après, ces structures, organisations et nations, avaient annoncé, «rejeter par avance, tout fait accompli, y compris une éventuelle démission forcée des dirigeants arrêtés».
Comme quoi, ils connaissaient trop bien, leur «client», comme on le dirait dans les rues d’Abidjan, en Côte d’Ivoire voisine. Le proverbe bien connu sous les tropiques, le dit: «Le chien ne change jamais sa façon de s’asseoir». Le célèbre écrivain ivoirien, Ahmadou Kourouma en dit plus dans son non moins mythique ouvrage, Les Soleils des Indépendances, qui a traversé les âges: «Le molosse ne change pas sa déhontée manière de s’asseoir». Et ce n’est pas quelques mois passés dans l’antichambre de la démocratie que constitue la transition politique malienne, qui pouvaient transformer le colonel Assimi Goïta en démocrate. Car, comme le disait un autre proverbe africain rendu davantage célèbre par l’auteur malien Seydou Badian, «le tronc d’arbre a beau séjourner dans l’eau, il ne se transformera jamais en crocodile».
Sur fond d’égoïsme alimenté par la querelle entre la France et la Russie, le colonel est donc passé par sa méthode classique pour «démissionner» le président de la Transition, Bah N’Daw et son Premier ministre, Moctar Ouane. Simplement parce que ceux-ci ne l’auraient pas consulté, lui vice-président et putschiste en puissance, pour former un nouveau gouvernement, d’où ils ont écarté deux de ses compagnons influents du putsch du 18 août dernier, les colonels Modibo Koné et Sadio Camara. L’occasion était trop propice pour le «putschiste en chef» de se débarrasser du président Bah N’Daw à qui il reproche d’avoir livré, à la France, des informations sur une commande d’arme que s’apprêtaient à passer à Moscou, les meneurs du putsch qui a renversé l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK).
Et, en reprenant désormais les choses en mains, le colonel Assimi Goïta, ramenant définitivement, si les choses demeurent en l’état, l’Afrique, à l’ère malheureuse des coups d’Etat militaires, entend aussi creuser la distance avec Paris, et pousser le Mali dans les bras de Vladimir Poutine. Nul ne peut jeter la pierre à des dirigeants d’un pays qui se choisissent leurs nouveaux amis et partenaires. Mais c’est loin d’être la solution pour un Mali sur le chemin de son développement. Ce n’est que contribuer à renforcer la politique de mendicité du pays, habitué, comme les autres pays africains, à tendre la sébile au lieu de travailler. «L’esclave ne devient pas libre en changeant de maître. Pour échapper au paternalisme de Paris, des militaires et hommes politiques maliens vont se jeter dans les bras de Poutine. C’est juste changer de maître, ça ne coupe pas les chaines de l’asservissement…». Ainsi s’exprimait, dépité, un Africain, sur un des réseaux sociaux.
De Goïta à Goïta, qui redevient l’homme fort de Bamako, en passant par Bah N’Daw, que devient le Mali et sa transition? Quelle sera la réaction de la communauté internationale, les Etats-Unis ayant déjà suspendu l’aide militaire aux Forces armées maliennes, les FAMA, qui, pourtant ont plus que jamais besoin du nerf de la guerre, malmenées qu’elles le sont par les terroristes? De quelle soutien dispose l’ex-junte, qui, après avoir mis à l’écart, le très populaire M5, est contraint de ravaler son crachat et de se retourner vers le mouvement qui avait largement contribué à la chute de IBK?
Pour essayer de rattraper les choses, Assimi Goïta puisera, probablement, à souhait, dans le vivier politique du M5-RFP pour former son gouvernement dont les bruits de couloir font de l’homme politique, leader du Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR, opposition), ancien candidat à la présidentielle malienne de 2002, Choguel Maïga, le prochain Premier ministre. Mais ça reste que des bruits de couloir pour l’instant. Ce qui est certain, face à l’unanimité de la communauté internationale contre lui, Assimi Goïta a besoin d’un mouvement de soutien fort au Mali. Sans oublier que Bah N’Daw, colonel major, certes à la retraite garde certainement, lui aussi, son fan club dans l’armée malienne, et qui n’a pas encore dit son dernier mot.
Le Mali retourne-t-il résolument à la case départ? La transition, a-t-elle encore une chance de reprendre son cours normal pour aboutir à des élections ouvertes, au plus tard en mars 2022, après cette forte secousse tellurique, qui vient du volcanique Kati, camp militaire situé à une quinzaine de kilomètres de Bamako, et désormais passage obligé de chefs d’Etat maliens cueillis par les hommes en kaki? En tout cas, les prochaines heures de cette situation malienne très évolutive, seront bien riches en rebondissements. Ce qui est certain, le seul et unique enseignement de ce énième coup d’Etat au Mali, c’est que les militaires, au lieu de toujours prendre la vie politique en otage, doivent retourner dans leurs casernes et faire ce qu’ils connaissent le mieux, assurer la défense du territoire contre les agressions extérieures et les terroristes.
Par Wakat Séra