Quand cela allait-il arriver? C’était la question que tous se posaient avec insistance, depuis le week-end dernier, lorsque le désormais ex-Premier ministre malien a ouvertement critiqué le pouvoir des généraux maliens. Car, les jours de Choguel Kokalla Maïga étaient comptés à la primature, dès qu’il a accusé les militaires qu’il a servis, avec beaucoup, pour ne pas dire trop, de zèle, de le mettre à l’écart des décisions et d’avoir prolongé, unilatéralement et sine die, la transition politique au Mali. Plus qu’une déclaration de guerre ouverte, faite dans une théâtralisation parfaite, le leader d’une des ailes du Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), s’étant présenté devant ses militants en tenue militaire, l’ex-PM, venait d’exacerber la tension palpable, qui est née, depuis un certain temps, entre lui et les dirigeants militaires de la transition. Dès lors, et, ne l’ayant pas fermé et n’ayant pas pris la décision de démissionner, Choguel Kokalla Maïga a été, logiquement «démissionné».Le dénouement de cette crise entre l’ex-Premier ministre et les généraux était, donc, plus que prévisible.
Maintenant, qu’il a été sorti du jeu par son «ancien patron» et qu’il n’a plus la confiance de tout le M5-RFP, ce mouvement qui a fait montre de toute sa puissance, en provoquant le coup de force du 18 août 2020, qui a chassé Feu Ibrahim Boubacar Keïta du pouvoir, Choguel Maïga ne s’est-il pas livré, pieds et poings liés, aux militaires qui, d’amis d’hier, deviendront, certainement, ces plus farouches adversaires d’aujourd’hui? A moins de disposer d’un soutien fort non encore révélé, le «démissionné», bien que fin politicien, ne s’est-il pas condamné, le rapport de force n’étant nullement en sa faveur, lui dont la démission avait été réclamée par plusieurs organisations avant même le décret fatal de ce mercredi, jour où l’hebdomadaire conseil des ministres a été reporté in extremis?
Quelle chance a, encore, Choguel Maïga de rebondir, lui qui, «sentant sa mort» politique venir, a voulu se transformer en os dans la gorge du général Assimi Goïta? Déjà, ceux qui ont appelé à sa démission, ont accusé Choguel Maïga, de «trahison» et de «tentative de déstabilisation de la transition». Que lui colleront, maintenant, comme griefs, les autorités de la transition, elles qui ne manqueront pas de mettre la machine judiciaire en branle contre leur ex soutien civil qui, pourtant, n’a eu de cesse d’appeler tous les Maliens, quel que soit leur bord politique, à soutenir cette transition qu’il considérait comme son bébé?
En tout cas, à moins d’un miracle, ce limogeage de Choguel Maïga ne sera pas sans conséquence sur la vie politique malienne. Pour le moment, le «démissionné» essaiera de mobiliser ce qui lui reste de soutien, sans doute pas beaucoup, pour faire face à son nouveau destin, qui ne s’annonce guère radieux pour lui. Un Premier ministre, «ça ferme sa gueule; si ça veut l’ouvrir, ça démissionne», pourrait-on dire, pour paraphraser l’ancien ministre français, Jean-Pierre Chevènement. Chogueule, pardon, Choguel, n’a pas fermé la sienne et ne l’a pas ouverte pour démissionner. Or, il savait bien qu’il avait été nommé pour exécuter le programme du président Assimi Goïta. Ce qu’il a tellement bien fait, en s’en prenant, chaque fois que l’occasion lui était donnée, quelle que soit la tribune, de s’en prendre aux anciens partenaires du Mali, surtout la France qui était devenue son mouton noir!
Choguel Kokalla Maïga a-t-il joué et perdu? Ou alors, l’ancien Premier ministre a-t-il bien calculé son coup? En tout cas, il n’a pas pu faire siens, ces mots de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo qui disait: «Quand on t’envoie, il faut savoir t’envoyer». Sans doute pour dire qu’en toute chose, il faut faire preuve de mesure! Choguel pour en avoir fait trop, ce qui lui a fait porter des intentions de vouloir être calife à la place du calife, vient de faire l’objet d’un abandon en plein vol. Et ce sont ses propres mots, lorsqu’il accusait la France, au moment où celle-ci a été contrainte au retrait de la Force Barkhane du Mali.
Par Wakat Séra