Le leader de la junte au Mali, vice-président de la Transition en cours, le colonel Assimi Goïta, a déchu le président Bah N’Daw et son Premier ministre, Moctar Ouane, selon une déclaration lue à la télévision nationale ce mardi 25 mai 2021. La junte militaire qui avait contraint le président Ibrahim Boubacar Kéïta à la démission forcée le 19 août dernier, dénonce un « sabotage » de la transition de 18 mois qui est déjà consommée à moitié.
Dans le communiqué, le vice-président de la Transition malienne, Assimi Goïta, indique que M. N’Daw et M. Ouane ont été écartés de la gestion du pouvoir pour avoir échoué à satisfaire les préoccupations des Maliens.
« Ainsi, de par le serment prêté en même temps que le président de la Transition et tenu par l’engagement patriotique pris devant le peuple malien ainsi que devant les forces de défense et de sécurité, le vice-président de la Transition, s’est vu dans l’obligation d’agir pour préserver la charte de Transition et défendre la République en vue de placer hors de leurs prérogatives le Président et son Premier ministre ainsi que toutes les personnes impliquées dans la situation », a signifié la junte qui se considère comme la sentinelle de la Transition malienne.
La situation au Mali s’est dégradée à la « suite d’une crise de plusieurs mois au plan national prenant en compte des grèves et manifestations diverses des acteurs sociaux et politiques », explique la note qui continue que « le gouvernement dirigé par Monsieur Moctar Ouane, s’est montré incapable de constituer un interlocuteur fiable, susceptible de mobiliser la confiance des partenaires sociaux ».
Le texte ajoute que « dans la foulée et de façon unilatérale, le président de la Transition a accepté la démission du gouvernement et reconduit immédiatement le Premier ministre avec pour mandat d’aller à la formation d’un nouveau gouvernement ».
Cette attitude du président, colonel-major à la retraite, et de son chef de gouvernement a créé une « consternation généralisée », selon la junte militaire, bien au cœur des instances dirigeantes de cette Transition qui n’a de cesse été décriée par une partie des Maliens, à savoir le mouvement M5-RFP, regroupement qui a conduit les grandes manifestations civiles ayant affaibli Ibrahim Boubacar Keïta, sous le leadership de l’Imam Mahmoud Dicko.
L’incapacité du président et de son Premier ministre à gérer la crise a engendré « une consternation générale marquée par la persistance des grèves de l’Union nationale des Travailleurs du Mali (UNTM), dont l’issue est finalement une grève illimitée », lit-on dans le communiqué du vice-président qui estime que « cet état de fait constitue une véritable asphyxie de l’économie malienne et partant, la garantie d’une instabilité aux conséquences incommensurables ».
Et comme pour ne rien arranger à la situation difficile du pays, évoque la junte dans son écrit, « dans les démarches de constitution d’un nouveau gouvernement, le Premier ministre nouvellement reconduit a établi une liste de gouvernement en accord avec le président de la Transition sans concertation avec le vice-président en charge des prérogatives à lui conférées par la charte à savoir, la Défense et la Sécurité ».
Pour le colonel Goïta et ses camarades qui se prennent pour les sentinelles de cette Transition, « une telle démarche témoigne d’une volonté manifeste du président de la Transition et du Premier ministre d’aller vers une violation de la Charte de la Transition, contrairement (à son) serment prêté lors de son investiture le 25 septembre 2020 ».
Le document ajoute que « nonobstant les interpellations et négociations diverses engagées par le vice-président auprès des chefs d’Etat de la sous-région et de certaines chancelleries présentes au Mali en vue d’amener le Président de la Transition et le Premier ministre à respecter les prescriptions de la Charte de la Transition, ceux-ci sont restés persistants dans leur posture ».
Malgré la situation trouble au Mali, le Vice-Président de la Transition « invite les populations à vaquer librement à leurs occupations et les rassure de l’engagement indéfectible des Forces armées de défense et de sécurité, à préserver l’intérêt supérieur du Peuple malien, conformément à l’esprit et à la lettre de la Charte de la Transition ».
Au demeurant, le Vice-Président de la Transition « tient à préciser que le processus de Transition suit son cours normal et que les élections prévues se tiendront courant 2022 ».
Tout serait parti de la composition du nouveau gouvernement, rendue publique le 24 mai 2021, qui ne rencontrerait pas l’approbation de la junte militaire, opposée au remplacement de deux de leurs camarades à savoir les colonels Sadio Camara et Modibo Koné. Le colonel Modibo Koné qui occupait le ministère de la Sécurité et de la Protection civile a été remplacé par le général Mamadou Lamine Ballo tandis que le général Souleymane Doucouré, secrétaire général du ministère de la Défense a été préféré et confirmé à ce poste que le colonel Sadio Camara occupait.
La communauté internationale de son côté a condamné l’action des militaires et la Francophonie notamment a demandé à une libération immédiate et sans condition des dirigeants de la Transition.
Par Bernard BOUGOUM