Assimi Goïta, 37 ans, après sa prouesse de porter deux coups d’Etat en neuf mois, a été officiellement paré du costume de chef de l’Etat, par la Cour constitutionnelle malienne. C’est avec émotion que le nouveau président de la transition politique malienne a prêté serment ce 7 juin, promettant au passage à la communauté internationale, d’être en phase avec les engagements pris par son pays, notamment celui de respecter le deadline fixé aux nouveaux dirigeants d’organiser des élections présidentielle et législatives ouvertes, au plus tard, fin février 2022, pour remettre le Mali sur les rails de la démocratie. A ce défi s’ajoute deux autres, et pas des moindres, pour Choguel Maïga, le nouveau Premier ministre dont le décret de nomination a été signé dans la foulée de l’investiture du nouveau chef de l’Etat malien. Le Premier ministre issu des rangs du M5-RFP devra constituer un gouvernement inclusif, qui, s’il ne veut pas se faire virer, doit être du goût du nouveau maître du palais de Koulouba. Et une fois formée, la nouvelle équipe aura la lourde tâche de faire baisser le thermomètre social, dont le mercure est monté, poussé par l’ire des mouvements syndicaux qui exigent de meilleures conditions de vie pour les travailleurs.
Le Premier ministre a donc du pain sur la planche, surtout qu’au titre de la communauté internationale dont le Mali et son attelage militaro-civil cherchent à reconquérir la confiance, les organisations internationales et régionales comme l’Union africaine (UA), la Commission économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), pour ne citer qu’elles, ont suspendu le pays de leurs instances. La France et les Etats-Unis ont également mis en berne leurs coopérations militaires avec le Mali. Mais sans doute que les promesses du Colonel Assimi Goïta, surtout la nomination d’un nouveau Premier ministre civil, fléchiront la position de la communauté internationale et des puissances partenaires du Mali.
Le gros point d’interrogation porte sur la consistance et la durée de vie du tandem Goïta-Choguel. Les deux hommes sont loin d’être sur la même longueur d’ondes sur certains dossiers, notamment l’Accord de paix d’Alger et le Conseil national de Transition, l’organe législatif que Choguel Maïga a toujours combattus. Cette figure du M5-RFP, considérée au Mali comme la véritable voix de la contestation, qui n’a pas sa langue dans sa poche et sait marcher droit dans la ligne de ses convictions, acceptera-t-il, pour la première fois, de se faire petit devant la junte et avaler les couleuvres des hommes en kaki?
En tout cas, le remariage de Assimi Goïta, plus que de cœur est bien une union de raison, compte tenu de la forte popularité du mouvement qui, avec à sa tête l’influent imam Mahmoud Dicko, retourné depuis lors à son tapis de prière, a contribué à la chute de l’ancien président malien Ibrahim Boubacar Keïta. Acculé hors des frontières maliennes, le colonel de Kati avait besoin de soutien à la maison. Qui, mieux que le M5-RFP qui avait également besoin de se refaire une santé, miné par des querelles intestines entretenues par les «pros» et «antis» pouvoir kaki, pouvait venir à la rescousse de Assimi Goïta? Il ne reste qu’à souhaiter au duo Assimi Goïta-Choguel Maïga, un cheminement sans anicroche d’envergure qui pourrait, une fois de plus, gripper la transition. Cela fera trop pour un Mali qui reste confronté à la menace terroriste, et cherche dans le même temps à renouer avec la démocratie et retrouver les voies sinueuses du développement.
En tout cas, Assimi Goïta, lui, semble emprunter la voie d’un autre militaire, Feu Amadou Toumani Touré. En effet, ATT, après avoir dirigé une transition, suite au coup d’Etat qui a chassé du pouvoir, en mars 1991, le général Moussa Traoré, est revenu aux affaires en s’offrant une virginité par les urnes, en juin 2002. Mais Amadou Toumani Touré, à seulement deux mois de la fin de son second mandat constitutionnel, sera lui aussi, chassé de Koulouba, par les militaires.
Par Wakat Séra