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Mali contre ONU: le nouveau match du colonel Goïta?

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Le porte-parole de la Minusma Olivier Salgado chassé par la junte malienne

Il s’appelle Olivier Salgado. Il est le porte-parole de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). Ce poste sera vacant sous peu. Car les putschistes au pouvoir ont sommé celui qui est reconnu par la structure dont il porte la parole pour son «grand professionnalisme», de quitter les berges du Djoliba dans un délai de 72 heures. Il est accusé par la junte militaire d’être auteur de «publications tendancieuses et inacceptables». Les autorités maliennes lui reprochent notamment d’avoir déclaré «sans aucune preuve», qu’elles avaient été informées de l’arrivée des 49 soldats ivoiriens en terre malienne où ils sont détenus depuis le 10 juillet. Si l’homme est prié par les maîtres de Bamako de faire ses valises, la mesure ne passe pas pour autant à New York.

Les occupants de l’imposant immeuble situé au bord de l’East River à Manhattan, siège de l’organisation mondiale, rappellent au Mali que «le personnel de l’ONU ne peut pas être déclaré persona non grata». Affirmant que la «Minusma et le siège sont en train de prendre les mesures adéquates pour un suivi de ce dossier avec les autorités concernées», Farhan Faq le porte-parole de l’Organisation, soutient que la décision du Mali est «contraire aux obligations de la Charte des Nations unies, y compris celle concentrant les privilèges et l’immunité de l’ONU et de ses équipes». Quelle sera donc la suite de ce dossier qui prend des tournures visiblement inquiétantes pour la junte malienne qui se met à dos, au nom d’un patriotisme malhonnête, la grande machine, lente au démarrage, mais impitoyable une fois lancée?

Que veut finalement le colonel Assimi Goïta qui semble oublier que «trop tirer rompt la corde»? Entre autres, la junte militaire malienne à la suite d’un double putsch, s’était octroyée une transition d’une durée de 5 ans, avant de revenir à la raison avec un délai de 2 ans, après les sanctions financières et commerciales de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO). Ensuite elle a procédé au retrait du Mali de la Force conjointe du G Sahel qu’il constituait dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, avec le Burkina Faso, le Tchad, le Niger et la Mauritanie.

Dans leur intention de flirter loin des regards extérieurs avec la société de sécurité privée russe Wagner dont les éléments n’ont pas bonne presse auprès des organisations de protection des droits de l’homme, les militaires au pouvoir au Mali, ont suspendu les antennes de RFI et France 24. Dans leur lancée incontrôlable, le colonel putschiste et ses lieutenants ont  également chassé de leur pays l’ambassadeur de France, Joël Meyer, lui appliquant leur tarif classique de «délai de 72 heures». Comme pris dans un ouragan de lubies, le pouvoir kaki de Bamako, rompt les accords de défense avec la France précipitant ainsi, les départs de son territoire des forces française Barkhane et européenne Takuba dont il a renvoyé la centaine de soldats du contingent danois.

Le chapelet des actes impulsifs, au nom d’une overdose de souveraineté de mauvais aloi, sera fastidieux à égrener, les derniers étant la «prise en otage» comme dirait l’autre, de 49 militaires ivoiriens et l’éjection du porte-parole de la Minusma du Mali. S’il est vrai que la junte malienne n’a jamais voulu du renouvellement du mandat pour un an de la structure onusienne intervenue le 30 juin, il faut dire que les autorités n’ont pas encore franchi le Rubicon, en demandant officiellement son départ. Elles disent même leur disponibilité à coopérer avec tout le monde.

Elles laisseront sans aucun doute la sale besogne aux fameuses organisations de la société civile qu’elles manipulent à souhait, certaines d’entre elles étant purement et simplement leur création. Le Mouvement Yerewolo Debout sur les Remparts donne déjà le ton. A travers une lettre adressée au chef de la Minusma, Yerewolo accusant la mission onusienne d’être «devenue une force d’occupation qui ravive et entretient la peur, les clivages ethniques et la méfiance entre les communautés au Mali», demande son «retrait pur et simple» du territoire malien «avant le 22 septembre 2022». Encore un ultimatum!

Le bras-de-fer est-il donc engagé entre la junte malienne et l’ONU à travers la Minusma? A moins que ce soit simplement une autre ruse du colonel Assimi Goïta qui se serait alors mis à l’école de Feu Charles Pasqua, à qui il est attribué le théorème de «L’affaire dans l’affaire». En effet, l’ancien ministre français de l’Intérieur aurait dit que «quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l’affaire, et si nécessaire une autre affaire dans l’affaire de l’affaire, jusqu’à ce que personne n’y comprenne plus rien.»

En tout cas, le président togolais, Faure Gnassingbé choisi comme médiateur par le Mali dans la crise qui l’oppose à la Côte d’Ivoire dans l’affaire des 49 militaires ivoiriens, risque de voir sa compétence s’étendre jusqu’à New York. A moins que dans cette affaire avec l’organisation mondiale, le colonel putschiste se trouve un autre facilitateur comme…le Russe Vladimir Poutine!

Par Wakat Séra