Ghislaine Dupont et Claude Verlon, nos confrères de RFI ne reposent toujours pas en paix. Et il en sera ainsi, tant que justice ne sera pas rendue à ces professionnels émérites, tombés micro et nagra en main, le 2 novembre 2013, dans le sable chaud de Kidal au Mali. Certes, l’enquête sur leur mort suit son cours, tant en France qu’au Mali, mais elle connaît des rebondissements dont certains peuvent être un frein de taille pour la manifestation de la vérité et la justice. En effet, l’un des commanditaires reconnus de l’assassinat des illustres disparus, Seidane Ag Hitta, bras-droit du sulfureux Iyad Ag Ghali, patron du Groupe de soutien à l’islam et au musulmans (GSIM), est soupçonné par des sources de la radio mondiale de jouer à l’agent de renseignements maliens ou français, voir des deux. Ce qui pourrait bien lui procurer, malheureusement, une certaine impunité dans ce dossier recouvert encore en certains endroits du sceau du secret défense.
De plus, les bras exécuteurs de la sale besogne sont en train de disparaître un a un, compte tenu de la hargne de l’armée française à décapiter les groupes terroristes au Sahel. C’est ainsi que début juin, les «Macrons boys» ont neutralisé, sans l’avoir ciblé individuellement, a affirmé l’armée française, Baye Ag Bakabo, le chef du commando des ravisseurs de Ghislaine et Claude. Le seul survivant des assassins des journalistes français, Hamadi Ag Mohamed, est, sans doute, également dans le viseur des militaires français, qui ont comme donné un coup de fouet à la campagne de salubrité qu’ils ont engagée au Sahel pour l’en débarrasser des terroristes qui s’y sont enkystés.
Des djihadistes et malandrins qui endeuillent au quotidien, les populations civiles et les armées nationales, la Force Barkhane, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), la Force conjointe du G5 Sahel regroupant le Mali, le Tchad, le Niger, le Burkina Faso et la Mauritanie. C’est donc l’équation difficile à résoudre, la justice ayant besoin de ces hommes pour les juger, alors que l’armée, elle, a fait de leur neutralisation sa priorité.
Une chose est certaine, des faits nouveaux pourraient bien donner des ailes aux investigations, si tant est la volonté des politiques des deux pays qui doivent en savoir bien plus que ne le laisse transpirer officiellement le dossier qui est toujours ligoté par le sacro-saint secret de l’instruction. Le général Moussa Diawara, le tout puissant chef des renseignements maliens à l’époque des faits, est, certainement une des boîtes noires, qui pourrait bien livrer des informations de catégorie «A» dans cette affaire. Mais il faudra déjà faire parler l’intouchable officier jusqu’au coup d’Etat du 18 août 2020, aujourd’hui en prison, accusé dans la disparition d’un autre journaliste, le Malien Birama Touré.
Et ça, ce sera une autre paire de manches à laquelle s’essaieront les magistrats et les fins limiers maliens qui mouillent…la robe, dans le dossier Ghislaine Dupont et Claude Verlon, mais manquent encore de moyens dans leur tâche. En plus de données techniques, des obstacles politiques constituent, donc, bien des boulets aux pieds des investigateurs, juges et avocats des proches des victimes, même si des avancées considérables sont observées dans le combat pour la vérité et la justice pour nos confrères.
En attendant, sur le continent noir, les journalistes, confrontés, au quotidien, aux difficultés financières qui les exposent plus que jamais à la corruption, car les conduisant souvent à fouler aux pieds les règles de l’éthique et de la déontologie dont le respect sert de socle à la profession, sont également menacés par la foudre des princes du jour qui ont horreur que leur mauvaise gestion du pouvoir, faite de détournements des deniers publics et d’atteintes constantes aux droits de l’homme, fassent la manchette des canards. Un mot de trop, qui fâche «le président de la république très très démocratique du Gonwana», et ce sont les menaces sous certains cieux, la prison sous d’aures et le châtiment extrême ailleurs.
Il faut espérer que la nouvelle graine, que constituent, le journaliste centrafricain, Rolf Steve Domia Leu Bohoula et la technicienne tchadienne, Mahamat Hassane Zara, tous deux lauréats de la bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon 2021, bourse instaurée par RFI pour honorer la mémoire de ses deux ex-employés, pour continue de mener le noble combat de ce métier à hauts risques qu’est le journalisme.
Par Wakat Séra