Attendu depuis un certain moment, le gouvernement d’ouverture, rendu public ce mardi n’est pas du tout du goût des hommes de la junte. L’équipe de 25 membres a connu plusieurs arrivées dont celles de proches du Premier ministre malien Moctar Ouane et de représentants de plusieurs partis politiques comme ceux de l’Union pour la république et la démocratie, l’URD de feu Soumaïla Cissé, mais aussi parti principal du M5, le mouvement fer de lance des manifestations qui ont contribué à la chute de l’ancien président malien, Ibrahim Boubacar Keïta. Mais à peine dévoilé, ce nouveau gouvernement qui est, tout naturellement, marqué aussi par des départs, a plongé le Mali dans une atmosphère de tension, au point d’amener le consulat de France à Bamako à recommander, entre autres, «pour les jours à venir, de rester attentif et d’éviter les attroupements». Les Etats-Unis, eux, ont, simplement déconseillé la destination Mali à leurs ressortissants.
Encore un coup de force au Mali? En tout cas, la situation reste volatile, et des arrestations de plusieurs personnalités au sommet se succèdent. Le président de la transition, Bah N’Daw et son Premier ministre Moctar Ouane ont été conduits par des hommes armés, en tenue militaire, au camp de Kati, véritable laboratoire de coups d’Etat. Les «infos chaudes», non confirmées des réseaux sociaux, font même du colonel Sadio Camara, ci-devant ministre malien de la Défense, le nouvel homme fort de Bamako. Avec le désormais ancien ministre de la Sécurité, Modibo Koné, ce colonel de la Garde nationale a été débarqué du gouvernement, les deux ayant été remplacés par deux généraux de l’armée. Certainement que les prochaines heures nous situeront davantage sur la situation qui prévaut au Mali et pour laquelle est annoncée pour ce mercredi, l’arrivée à Bamako de l’ancien président nigérian, Goodluck Jonathan, le médiateur dans la crise malienne, depuis le putsch du 18 août 2020.
Ce qui est certain, c’est la volonté manifeste des militaires de demeurer et régner en maîtres sur la vie politique d’un pays abonné aux coups d’Etat. Après avoir longtemps résisté aux injonctions de la communauté internationale, sous la houlette de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) et de l’Union africaine (UA), suite à leur prise du pouvoir par les armes en renversant IBK, les hommes en kaki avaient fini par lâcher du lest en promettant des élections démocratiques, au bout d’une période de 18 mois. Visiblement, l’histoire est en train de se répéter au Mali, car ce serait le cinquième coup d’Etat et la deuxième tentative de déstabilisation d’une transition, après l’attaque violente, jusque dans ses bureaux, de Dioncounda Traoré, alors président par intérim du Mali, suite au coup d’Etat du capitaine Amadou Haya Sanogo, contre le général Amadou Toumani Touré, alors à trois mois de la fin de son second mandat constitutionnel.
Le Mali fera-t-il face à son cinquième coup d’Etat, alors qu’il est toujours englué dans le quatrième? Il faut espérer que non. Sauf qu’à force de jouer au chat et à la souris avec la démocratie, les dirigeants africains encouragent le retour des coups de force. Que dire, des coups d’Etat constitutionnels, tel que ceux opérés récemment, au nez et à la barbe de la fameuse communauté internationale, par l’Ivoirien Alassane Dramane Ouattara, le Guinéen Alpha Condé, le Congolais Dénis Sassou N’Guesso, pour ne citer que ces cas emblématiques? A ces coups de poignard dans le dos de la démocratie est venu s’ajouter, l’adoubement, toujours par cette partie de la communauté internationale experte dans les condamnations à géométrie variable, du général Mahamat Idriss Déby, comme président de la transition au Tchad, après la mort du Maréchal Idriss Déby Itno. A la tête d’un quarteron de généraux, le fils Déby, suspendant la Constitution, a pris sans autre forme de procès, le pouvoir laissé par le père Déby.
Faut-il donc pleurer ou rire de ce nouveau coup de force au Mali, juste parce que des gens ont été débarqués d’un gouvernement que tous souhaitaient d’ouverture pour faciliter la suite de la transition politique? Le retour au respect des constitutions ou retour à la case coups d’Etat? L’Afrique a encore le choix, mais certainement plus pour longtemps!
Vivement que la parenthèse de ce nouveau coup d’Etat soit vite fermée et que la transition retrouve sa marche normale vers le retour à l’ordre constitutionnel au Mali.
Par Wakat Séra