La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) a quitté sa base de Kidal «sans demander la route» à la junte militaire qui, après l’avoir mise dehors l’empêche pourtant de partir en ne lui délivrant qu’un nombre dérisoire d’autorisations de vol. La mission onusienne, s’est donc résolue à la solution du voyage par la voie terrestre, elle qui était prise entre deux feux. En effet, le quotidien était devenu intenable pour les Casques bleus, ces pestiférés de Bamako qui les avait, pourtant, appelés en sauveurs, dans sa lutte contre le terrorisme. Mais, malgré les dangers multiformes sur leur trajet, les hommes de la Minusma étaient contraints de partir, car le camp qu’ils occupaient est dans le viseur des Forces armées maliennes (FAMa) et en même temps ciblé par les rebelles de la coalition du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD), ces derniers affirmant avoir le contrôle de Kidal.
Comme il fallait s’y attendre, à peine ont-ils pris le chemin de retour que les Casques bleus en sont, en une journée, au troisième des véhicules de leur long convoi, qui saute sur une mine, occasionnant trois blessés graves. Ces mésaventures étaient prévisibles, mais suscitent au moins deux interrogations majeures. Sont-elles à mettre en lien avec l’ire des autorités maliennes mécontentes de ne pas avoir reçu les clés du camp de Kidal? Sont-elles des actes perpétrés par les terroristes, experts en pose de mines? S’il est trop tôt pour trouver des réponses à ces questions, à moins d’être dans les secrets de l’armée malienne ou ceux des djihadistes, la certitude s’impose tout de même que ce retour des Casques bleus à travers dunes de sable et pistes, ne sera pas, pour ceux-ci, un long fleuve tranquille. L’ennemi, ou du moins les ennemis de ces «voyageurs» singuliers, tapis dans l’ombre, n’ont certainement pas dit leur dernier mot!
En tout cas, l’armée malienne qui voit d’un mauvais œil la récupération du désormais ancien camp de la Minusma à Kidal, met visiblement, en place, sa stratégie d’assaut contre les nouveaux occupants de cette base militaire. C’est dans cette logique que le dernier conseil des ministres, qui a dû prendre des allures de conseil de guerre, a accouché de la nomination comme chef d’état-major adjoint de l’armée, le général Kéba Sangaré. Cette promotion de l’ancien chef d’état-major de l’armée de terre et ancien gouverneur, ressemble, sans risque de se tromper, à un pied de nez aux Nations Unies, dont l’un des rapports d’expert porte de graves accusations contre celui qui avait lutté, en 2013, aux côtés de la force française Serval, dans la reconquête du Nord du Mali. Aujourd’hui, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, le Mali qui s’est entiché du groupe Wagner, ayant rompu ses relations diplomatiques et dénoncé tous ses accords militaires, avec la France.
Le rapport onusien évoque même la responsabilité de ce fils d’ancien chef d’état-major de l’armée de terre, dans des massacres de populations civiles, dont celui d’Ogossagou, centre du Mali, qui a fait, en février 2020, 35 morts et 19 disparus. Les militaires maliens qui assuraient la défense de ce village, où un an plutôt 160 civils avaient été tués, l’auraient quitté alors que, selon le rapport d’expert de l’ONU, le général Sangaré, au moment des faits, chef d’état-major de l’armée de terre, qui jouit d’une grande autorité dans l’armée, aurait été au courant de «la menace» qui planait sur la localité, «plus de dix heures» avant la survenue de l’attaque meurtrière. En tout cas, c’est loin d’être un fait du hasard, si celui qui a été considéré par l’ONU comme un obstacle à l’application de l’accord de paix de 2015, reprend de l’ascension sous la junte militaire malienne, après avoir été démis de ses hautes charges à la tête de l’armée de terre suite aux affrontements entre communautés peulh et dogon à Ogossagou.
Désormais, il faudra se faire à l’idée, sauf miracle, que la guerre de Kidal aura lieu! Le cocktail explosif est en train d’être concocté!
Par Wakat Séra
