Jusqu’à cinq ans! C’est la durée qui pourrait être celle de la transition en cours au Mali. C’est l’une des décisions essentielles de la nouvelle charte de la transition, sortie des laboratoires du Conseil national de la transition (CNT), l’organe qui sert de parlement aux Maliens et est, bien évidemment, contrôlé, par les militaires et qui sert de parlement au Mali. Cette passe décisive du pouvoir kaki au pouvoir kaki, est des plus chirurgicale car ouvrant un grand boulevard au colonel Assimi Goïta vers les buts sans gardien d’une présidence, pour l’élection de laquelle il ne pourra pas prendre part, tant qu’il reste président de la transition.
La seule lecture possible de cette disposition de la nouvelle charte, c’est le passeport délivré avec visa, au patron de la junte, qui n’aura, sans doute, que le choix de dire oui à l’appel insistant du peuple pour se porter candidat à une présidentielle qu’il aura, lui-même organisée. Et comme en Afrique, on n’organise pas des élections pour les perdre, l’occasion, et toute l’opportunité sera donnée au colonel de se refaire une virginité par les urnes. Et il aura atteint l’autre bout de la voie, jalonnée de deux putschs qu’il s’est tracée.
Subitement, comme dans une amnésie collective, tous ont oublié que Assimi Goïta, est le seul fautif de toute cette transe qui s’est emparée du Mali et a valu aux militaires qui ont tiré sur la démocratie, par deux fois en moins d’un an, le courroux logique de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) et d’une partie de la communauté internationale. Dans un tour de magie dont seuls ont le secret les disciples de Belzébuth, les nouveaux maîtres de Bamako ont réussi à se cacher derrière les incohérences d’une France qui n’a pas su se réadapter au nouveau logiciel de partenariat égalitaire et gagnant-gagnant assimilé par les Africains, pour mener à bien leur dessein de garder leur pouvoir inconstitutionnel, le plus longtemps possible.
Désormais, en plus des 18 mois qu’ils ont déjà passés au palais présidentiel de Koulouba, le colonel et ses hommes, des militaires et des civils acquis à la cause des…militaires, peuvent s’y enkyster avec le blanc-seing du CNT, le parlement sans mandat du peuple. Leur transition ne devrait prendre fin qu’avec l’élection présidentielle et l’investiture du nouveau président, qu’elle aura organisées! Ainsi va le Mali qui vient d’engager un nouveau bras-de-fer avec la CEDEAO qui avait ainsi fixé pour la fin de ce mois de février, avec l’accord de la junte militaire malienne, le retour d’un Etat de droit, qu’aurait apporté des élections ouvertes.
Les masques sont donc définitivement tombés au Mali, non pas parce que le Covid-19 agonise, mais parce que les militaires au pouvoir continuent de découvrir leur vrai visage, en mettant à profit les bisbilles entre la Russie et la France, et surtout cette faille de leurs contempteurs qui se laissent toujours surprendre par la désinformation sans limite qui est devenu le sport national sur les réseaux sociaux.
Que pourra encore, le Nigérian Goodluck Jonathan, l’émissaire de la CEDEAO qui devrait se rendre, ce jeudi, à Bamako pour rappeler, une fois de plus à la junte militaire, que les portes du dialogue avec l’organisation sous-régionales leur restent ouvertes mais aussi la nécessité de respecter le tarif appliqué aux putschistes? Alors que le mandat d’un président élu par le peuple est de 4 ans dans des pays comme le Ghana et les Etats-Unis, comment un putschiste, qui est donc entré par effraction dans l’histoire politique de son pays, peut-il s’octroyer 6 ans de règne en manipulant une bonne partie du peuple?
La junte militaire au pouvoir au Mali, doit pouvoir revenir à de meilleurs sentiments pour éviter d’être pointée du doigt comme celle qui a ouvert la boîte de Pandore du retour de l’instabilité socio-politique dans une Afrique de l’ouest qui se cherche, avec plus ou moins de réussite, sur les chemins difficiles de la démocratie. Et Assimi Goïta ne devrait pas non plus, oublier que c’est le même peuple qui a crié «vive le président», qui vocifèrera encore «à bas le président»!
Par Wakat Séra