Au Mali, l’achat de l’avion présidentiel et les contrats passés sous le régime défunt de Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), n’en finissent pas de remuer les eaux du Djoliba. N’ayant pas, ou ayant mal maîtrisé les manettes, pas celles de cet avion acquis en 2014, mais ceux de la procédure ayant conduit à son achat, tout comme à la signature de contrats militaires, dits surfacturés, les auteurs présumés de malversations dans ces deux affaires pour un coût astronomique de plus de 130 milliards de francs CFA, se voient décernés, un à un, leurs passeports pour la prison. Un nouveau gros poisson, après les deux premiers qui sont tombés dans les filets au mois d’août dernier, vient d’être repris par les pêcheurs de la Cour suprême. Il s‘agit, ni plus, ni moins, de l’ancien ministre de IBK, Mahamadou Camara. Si celui-ci a été relaxé, après un mois d’emprisonnement, suite à l’annulation, en 2020, par la Cour d’appel de Bamako, de la procédure engagée contre lui, les faits têtus de l’histoire ont vite rattrapé l’ancien prisonnier qui, pourtant, s’était, alors, retiré de la vie politique, pour renouer avec ses anciennes amours dans le milieu des médias. Les nouveaux maîtres de Bamako, en ont ainsi décidé.
En effet, les justiciers de la transition, en réalité aux mains du colonel Assimi Goïta et de ses compagnons d’armes, ont retiré les dossiers, contrairement aux règles et habitudes anciennement en vigueur, à la Haute cour de justice qui juge les membres du gouvernement. Maintenant qu’elles ont atterri sur la table des juges de la Cour suprême, les affaires dites de l’avion présidentiel et de contrats militaires ont ramené Mahamadou Camara, à l’ombre. En attendant, sans aucun doute d’autres gros poissons ou des alevins, le «nouveau ancien» détenu, contre qui sont portés les griefs d’«atteintes aux biens publics, corruption et trafic d’influence», rejoint d’ancien poids lourds de la vie politique malienne, en l’occurrence, Soumeylou Boubeye Maïga dit SBM et Bouaré Fily Sissoko. Le premier, ancien candidat à la présidentielle, ancien Premier ministre, excusez du peu, était ministre en charge de la Défense au moment des faits, tandis que la seconde, puisque c’est une dame, détenait, elle, le maroquin très stratégique de l’Economie. Ils devront répondre des accusations, pour SBM, de faux, corruption, favoritisme, abus de confiance, et trafic d’influence et pour Mme Bouaré Fily Sissoko, d’atteintes aux biens publics, faux et usage de faux, favoritisme, népotisme et corruption.
Et voilà lancée la bombe «Goïta» contre des indélicats en gestion de la chose publique, ce que le Vérificateur général du Mali, qualifie de «graves manquements à l’orthodoxie financière et comptable». Nul doute que la traque des hommes en kaki contre la corruption et l’impunité est à louer. Car, dans une vie antérieure, ces deux dossiers avaient reçu un enterrement de première classe de la part des hommes forts, qui sont devenus de simples justiciables. Ils seront poursuivis au même titre que les voleurs d’ânes ou de sacs de riz, qui, eux, sont malmenés au quotidien, dans les commissariats de police, quand ils ne végètent pas dans des cachots surpeuplés, où ils sont oubliés, comme s’ils étaient des condamnés à perpétuité, sans jamais avoir rencontré un juge d’instruction, encore moins un avocat. L’œuvre de la transition ne peut que réjouir le citoyen lambda assoiffé de justice et les militaires maliens qui luttent, presque les mains nues contre de féroces terroristes, alors que l’argent des armes est détourné, sans vergogne, vers des poches ministérielles.
Sauf que la détermination dont fait preuve la transition dans le jugement de ces affaires, serait plutôt, selon les experts de la chose, une hargne de simples populistes qui tiennent l’opportunité de mettre hors d’état de nuire des adversaires politiques qui pourraient contrecarrer leurs plans de longévité au pouvoir, voire de candidatures futures, à l’issue d’une transition bien menée. Transition qui, malheureusement, pourrait bien s’éterniser, et, au grand dam des têtes couronnées de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), aller au-delà du deadline de février 2022 imposé par la communauté internationale et accepté par les putschistes à l’époque.
Par Wakat Séra