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Mali: le dernier salut du soldat ATT

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Le dernier salut du "soldat" ATT (Ph. malibuzz.tv)

Amadou Toumani Touré a déposé les armes, pour de bon, dans la nuit du 9 au 10 novembre, en Turquie. La disparition de l’illustre militaire et homme politique en a surpris plus d’un, tant l’homme, depuis son retour d’exil forcé en 2019, faisait preuve de grande discrétion. Certes, il était reconnu humble malgré sa percée fulgurante sur la scène politique malienne, mais il se faisait tout petit, sans doute pour ne pas faire ombrage à celui qui a accepté son «come back home», lavé de toutes poursuites judiciaires, comme le voulaient ses tombeurs. ATT était également conscient que se faire oublier, lui éviterait des ennuis avec le prince de l’heure, qui vivait des heures de braise, fortement contesté, pour sa mauvaise gouvernance, par son opposition et sa société civile. L’avenir, lui donnera raison, car Ibrahim Boubacar Kéita, longtemps malmené par les manifestations du M5-RFP, sera cueilli, comme un fruit mûr, par les hommes en kaki, le 18 août dernier.

Les quatre tours du destin

Le coup d’Etat, un scénario que connaît parfaitement, Amadou Toumani Touré, pour l’avoir exécuté avec maestria en 1991, pour chasser du pouvoir, Moussa Traoré, avant d’en être lui-même victime en 2012, à seulement deux mois de la fin de son second mandat. Ce fut, pour ATT, l’un des premiers tours que sait si bien jouer le destin, aux hommes. L’une des dernières véritables apparitions publiques de ATT, c’était à l’occasion des obsèques de Moussa Traoré, celui-là même qu’il a mis hors-jeu, perpétrant ainsi le deuxième putsch militaire de l’histoire politique du Mali. Il est donc parti, comme s’il répondait à l’appel du général, décédé le 15 septembre dernier. Deuxième tour du destin. Amadou Toumani Touré, venait de souffler sa 72è bougie. C’était le 4 novembre. Troisième tour du destin, car, novembre devient le mois de double anniversaire, naissance et décès, pour ATT. Parti en exil forcé au Sénégal, après ces années de gloire, avant de revenir au bercail, c’est malheureusement loin de la terre de ses ancêtres qu’il s’inclinera définitivement, emporté par la maladie. Ce fut le quatrième et dernier tour que le destin venait de jouer à ATT.

Le «soldat de la démocratie»

Au-delà de ces péripéties de la vie, et bien que le reproche lui soit fait d’avoir favorisé la sanctuarisation des djihadistes au Mali, les hommages qui lui sont rendus de tous bords, prouvent, à souhait, que Amadou Toumani Touré fut un digne fils de cette patrie malienne à laquelle il a tout donné, en tant que militaire, et surtout en tant que «soldat de la démocratie». La perfection n’étant pas de ce monde des humains, ATT est loin d’être sans défaut. Mais c’est bien lui qui, après avoir balayé la maison, a permis au Mali de vivre sa première véritable élection démocratique et ensuite sa première alternance démocratique, en 2002. Un président démocratiquement élu, Alpha Oumar Konaré, passe le témoin à un autre président démocratiquement élu…Amadou Toumani Touré, qui se refait ainsi une virginité, en se débarrassant du béret rouge de parachutiste putschiste, pour le boubou et bonnet de chef de l’Etat sorti des urnes. ATT, c’est aussi celui qui a contribué, par ses missions de paix pour l’ONU et autres, à rabibocher des frères ennemis, par exemple en Centrafrique et au Tchad.

Héros de tes frères d’arme, ami des enfants, grand homme tu as été, grand homme tu resteras, dans l’histoire politique moderne malienne que tu as marquée de ton empreinte. Et la formule consacrée tombe: «Va et que la terre libre du Mali te soit légère».

Par Wakat Séra