Plus de 300 personnes ont été renseignés avec des éléments de droits sur les sanctions prises par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) à l’encontre du Mali le 9 janvier dernier lors d’une conférence scientifique organisée par un groupe d’enseignants-chercheurs, notamment juristes des universités publiques du Burkina Faso. Selon leur porte-parole, Dr Emile Ouédraogo, juriste et avocat inscrit au barreau de Québec, « le droit international reste un outil efficace pour régler les tensions entre Etats » surtout dans l’espace CEDEAO et UEMOA.
Cette conférence scientifique s’est tenue autour du thème: « Les sanctions communautaires contre le Mali et le droit international : regards croisés de juristes communautaires et internationaux ». Ce sujet a été débattu en quatre sous thèmes. Le modérateur de la communication, Dr Emile Ouédraogo, maître assistant à l’université Nazi Boni à Bobo-Dioulasso, a précisé que cette grande conférence débat scientifique sur le Mali vise à mieux éclairer et dépassionner le débat sur le cas du Mali et proposer des pistes juridiques sur la question.
Après avoir affirmé qu’un coup d’Etat est un fait qui est en violation avec les règles communautaires, les conférenciers ont fait observer que leurs communications ont pour objectif d’apporter un éclairage juridique de droit international pour apporter une réponse scientifique sur la question opposant le Mali aux autres pays membres de la CEDEAO.
«L’objectif de notre conférence n’est pas de soutenir telle ou telle position. Ce n’est pas la posture du juriste ou encore la posture de l’intellectuel », a déclaré Dr Ouédraogo qui a signifié que leur action vise à « apporter une contribution scientifique en essayant de mettre en évidence, les points forts, les points sensibles et les points faibles pour donner des arguments juridiques aux institutions communautaires mais aussi aux autorités maliennes pour que cette question puisse être résolue sous l’angle du droit ».
L’enseignant de l’Unité de Formation et Recherche des Sciences juridiques, politiques et économiques (UFR/SJPE) de l’université Nazi Boni, a dit « croire en l’efficacité du droit communautaire et du droit international parce que les positions jusqu’au boutistes de part et d’autres n’arrangent personne ». Pour lui, « aujourd’hui, cette question fondamentale qui touche le Mali nous (Burkina Faso) touche aussi ».
Le docteur Martial Zongo, enseignant en droit international ayant soutenu une thèse en droit communautaire, lui, s’est penché sur les fondements légaux avancés par la CEDEAO à l’encontre du Mali. Le maître assistant de la faculté des sciences juridiques à l’université Thomas Sankara à Ouagadougou, a évoqué l’Acte additionnel du 17 février 2012 de la CEDEAO qui est conforme aux sanctions prises contre la junte militaire de Bamako.
«A l’analyse, pour une partie des sanctions, il n’y a pas de souci mais pour certaines, il n’y a pas une base juridique. Il n’y a pas de texte qui encadre certaines des sanctions qui sont très disproportionnées », a avancé M. Zongo qui a pensé que le déploiement de la force en attente de la CEDEAO est « une décision qui est très problématique ». A l’écouter, s’il est vrai que l’Etat malien est en porte-à-faux avec les lois communautaires puisqu’il n’a pas honoré ses obligations vis-à-vis de la CEDEAO, on peut également dire sans risque de se tromper que les sanctions des deux institutions de la sous-région sont « sévères et extrêmes ». Dr Martial Zongo s’est dit convaincu que même si le Mali a des voies de recours, cela prospéra moins. Alors, a-t-il conclu, les deux protagonistes finiront par régler la crise autour d’une table de négociation pour « un règlement à l’amiable ».
Avec une thèse soutenue sur la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), Dr Flavien Elvis Sawadogo, bien informé sur les questions financières et économiques en lien justement avec les sanctions communautaires, a indiqué que la sanction de la CEDEAO et de l’UEMOA « prive le Mali de toute marge de manœuvre de l’utilisation de ses fonds au niveau de la BCEAO », relevant en outre que la BCEAO a pris son indépendance totale sur tous les plans. « La banque centrale a violé son objectif de stabilité monétaire en refusant son indépendance », a ajouté Dr Sawadogo.
Pour docteur Médard Kiénou, aussi maître de conférence agrégé en droit public et qui a abordé la question sous l’angle du droit international général, on distingue deux sanctions : celles centralisées et décentralisées. En ce qui concerne les sanctions centralisées, il faut aussi distinguer deux types à savoir les «sanctions coercitives non armées et les sanctions coercitives armées » dont par exemple la force en attente qui est conforme aux lois de la CEDEAO mais aussi de l’Union Africaine.
«Mais si on se réfère aux droits des Nations Unies, il faut l’autorisation du Conseil de Sécurité de l’ONU pour une action d’une force institutionnelle. Alors qu’à ce niveau, les membres permanents du Conseil de Sécurité sont en désaccord », a-t-il fait remarquer. Dr Flavien Sawadogo a salué par contre la CEDEAO qui de par sa mesure de « laisser circuler les produits de premières nécessités respecte les droits de l’homme » et fait preuve « d’humanisme ».
Le professeur Ousséni Illy, enseignant-chercheur en droit monétaire et financier international s’est, lui, intéressé au rôle que pourrait jouer l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dans cette crise communautaire. « Le Mali peut déposer un recours devant l’OMC qui prône la liberté du commerce », a-t-il assuré. Cependant il met un bémol en indiquant que « même si le Mali gagnait son recours devant l’OMC, il ne sera pas exécuté car les Etats de la CEDEAO ne vont pas admettre les injonctions de l’OMC ».
Pour lui, par leurs sanctions, la CEDEAO et l’UEMOA cherchent à asphyxier économiquement l’Etat malien. Il a terminé en déplorant que les sanctions de la CEDEAO et l’UEMOA visent plus le commerce et par ricochet, une restriction des libertés des personnes et des biens.
Par Bernard BOUGOUM