Après avoir procédé à la dédicace de son livre sur le défi du terrorisme en Afrique, ouvrage dans lequel il a ébauché quelques pistes de solution pour lutter contre cette nébuleuse qui endeuille autant les populations militaires que celles civiles, le colonel Alpha Yaya Sangaré a disparu des radars. Il aurait été arrêté à son domicile. Sauf que l’organisation Human Rights Watch, dont l’auteur a cité des propos dans son livre, s’inquiète de la disparition de ce dernier.
Mali: défi du terrorisme en Afrique. C’est le titre de l’ouvrage. Mais autant que le terrorisme qu’il évoque, le livre écrit par le colonel Alpha Yaya Sangaré fait beaucoup parler de lui au Mali du colonel Assimi Goïta. Il ne plaît pas à tout le monde et a déjà provoqué la publication de deux communiqués officiels. Est-ce une bombe? S’il n’est pas un explosif, il ne doit pas en être loin! Les premières déflagrations ont déjà fait leur première victime, qui n’est autre que l’auteur de l’œuvre. Le public à qui il a présenté l’ouvrage, n’a même pas eu le temps de bien le décortiquer que le colonel-écrivain a été perdu de vue. Son crime? Avoir repris des passages de rapports de l’organisation de défense des droits de l’homme, Human Rights Watch. Même l’utilisation du conditionnel, ce temps que les journalistes prudents, ou vicieux, c’est selon, manient avec dextérité, pour distiller certaines informations jugées sensibles, n’a pas épargné à Alpha Yaya Sangaré, les foudres de ses compagnons d’arme. Bien que le livre ne soit, en grande partie, que le résumé de sa thèse de doctorat, comme tentent de l’expliquer ceux qui essaient de sortir le colonel-écrivain des conséquences malheureuses de cet exercice d’expression, celui-ci n’aurait, visiblement, pas dû remuer la plume dans la plaie, en contredisant le pouvoir de Bamako.
Le colonel-écrivain voudrait passer pour un téméraire qu’il n’aurait pas agi autrement, dans un pays où parler de la Grande muette, si ce n’est pour exalter ses prouesses au front, n’est pas toléré. C’est comme toucher au secret-défense. Et le gradé en a pris pour son…grade. Même la présence aux premières loges, à la séance de dédicace, de celui qui est présenté comme son «ami de promotion», et colonel comme lui, n’a pu le sauver. En effet, le ministre d’Etat Abdoulaye Maïga, qui fut témoin oculaire de la dédicace du livre, ne se reconnaît plus dans cette affaire. Nul ne peut lui donner tort d’ailleurs, car assister à une cérémonie ne fait pas de lui le complice d’un auteur qui cite des organisations droit-de-l’hommistes qui pointent du doigt des éléments des Forces de défense et de sécurité du Mali comme ayant commis des exactions contre des personnes accusées de faire partie de groupes terroristes. Des griefs que l’armée malienne a toujours rejetés par le biais de déclarations pondues aussitôt après chaque accusation. La hiérarchie de l’armée a donc sévi au plus vite, car elle ne saurait accepter que la contradiction, vraie ou fausse, vienne de ses propres rangs.
Questions: personne n’a donc pris connaissance du contenu de ce livre dont la sortie remonterait, selon certains, à mi-décembre 2023? Pourquoi le couperet ne tombe-t-il qu’avec la dédicace de l’œuvre ce week-end? La déferlante va-t-elle se contenter du seul auteur de l’ouvrage ou emportera-t-elle, au passage, quelques autres «colonels», des moins gradés ou des civils, qui «en sauraient» un peu plus sur l’ouvrage? Un livre qu’aucun officiel n’a lu! C’est comme si l’auteur même ne l’a pas lu, ou, tout au moins relu , avant publication et dédicace!
En tout cas, selon un communiqué officiel du gouvernement, ce n’est que dans la salle de la cérémonie que les ministres et autres personnalités ont découvert le contenu de l’ouvrage. Sic! Il y a certainement quelque chose qui n’a pas marché, comme le dirait l’autre, pour que le contenu de l‘«ouvrage phare» du colonel Alpha Yaya Sangaré, soit resté «secret défense» jusqu’à la dédicace!
Mali: défi du terrorisme en Afrique n’a peut-être pas fini de faire parler de lui!
Par Wakat Séra