Les élections prévues pour février 2024 au Mali, afin de revenir à un pouvoir civil après deux putschs militaires en moins d’un an, se tiendront-elles à bonne date? Oui, à en croire les déclarations de la junte militaire qui dirige la transition au Mali. Non si l’on s’en tient à la réalité sur le terrain. En effet, ce sont les mêmes autorités maliennes qui viennent d’acter le report sine die du référendum constitutionnel qu’elles conduisaient en solo et qui devait amener les Maliens aux urnes, ce 19 mars. Les raisons officielles de cette décision, se trouveraient dans le retard à l’allumage de l’installation des représentations de la structure de gestion des élections, dans toutes les régions du Mali et la vulgarisation maximale du projet de la nouvelle Loi fondamentale.
Rien de surprenant donc si cette transition devenait élastique au gré des hommes forts de Kati, pardon de Bamako. Tout en affirmant être en mesure d’organiser les votes dans les délais de la communauté internationale, notamment de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), les militaires au pouvoir multiplient les actions qui isolent de plus en plus le Mali et contribuent davantage à museler toute voix contradictoire à la leur et travaillent, avec acharnement, à réduire à leur plus simple expression, les libertés et droits de l’homme. De même, par le biais d’une propagande nocive, tendant à sublimer leurs relations avec l’ours russe, qui ne serait en réalité que Wagner, la société privée de sécurité dont les éléments sont qualifiés par l’opinion de mercenaires, par ailleurs accusés des pires exactions, les dirigeants de la transition font croire que tout est pour le mieux dans le meilleur des Mali.
Pourtant, les attaques terroristes se multiplient au quotidien, endeuillant plus que jamais populations civiles et militaires. Dans ce contexte où l’hydre terroriste sévit au grand dam de populations désemparées, arrachant à l’administration centrale des pans entiers du territoire national, et que le but des djihadistes est d’imposer l’islamisme radical, comment la nouvelle Constitution affirmera-t-elle l’«attachement à la forme républicaine et à la laïcité de l’Etat»? Vu que bien des régions sont sous blocus djihadiste et que la région de Kidal se trouve toujours aux mains des mouvements de l’Azawad, comment installer les démembrements de l’autorité dite indépendante de gestion des élections partout dans le pays? Equations à plusieurs inconnues donc complexes à résoudre!
Le piège savamment monté par les militaires fonctionne donc assez bien pour eux, et ils s’en délectent sans aucun doute, certains qu’en dehors des politiciens et propagandistes acquis, le Mali échappe à tout radar national et international qui pourrait y dénoncer la prédation des libertés démocratiques. En tout cas, si le premier pas vers les élections n’a pu être fait, le référendum constitutionnel ayant connu le sort que lui réservaient ses géniteurs qui ont choisi la ruse et les subterfuges comme mode de gouvernance, il est fort à craindre que la suite du processus électoral tienne sur la route!
A moins que tout se passe finalement dans un chaos bien pensé par les dirigeants de la transition malienne afin de récupérer avec la main gauche ce qu’ils ont cédé de la main droite! Les militaires putschistes, qui se sont taillés une loi d’amnistie sur mesure, pourraient bien se fabriquer une virginité politique par les urnes en troquant le treillis, le béret et les rangers, contre le boubou, le bonnet et les babouches, et s’enkyster pour de bon au palais de Koulouba! A moins de faire preuve de myopie ou de naïveté, c’est difficile de ne pas voir à mille lieues ce plan machiavélique mis en branle par les militaires maliens et qui a commencé par ce report du référendum constitutionnel!
A l’heure des comptes, le réveil risque d’être très douloureux pour le peuple malien, si ses leaders politiques, religieux et coutumiers, ne prennent pas les devants des événements pour contrer les machinations du pouvoir kaki de transition.
Par Wakat Séra